Après son premier film documentaire, la journaliste free-lance a souhaité publier un livre qui trace les pistes d’un renouvellement du métier, pour redresser la mauvaise image de celui-ci à chaque sondage dans le grand public. Elle l’a présenté au Club de la Presse « J’ai essayé de déconstruire le fonctionnement de la presse, pour comprendre ce lire la suite

Après son premier film documentaire, la journaliste free-lance a souhaité publier un livre qui trace les pistes d’un renouvellement du métier, pour redresser la mauvaise image de celui-ci à chaque sondage dans le grand public. Elle l’a présenté au Club de la Presse

« J’ai essayé de déconstruire le fonctionnement de la presse, pour comprendre ce qui se passe. » Le résultat a d’abord été un documentaire titré « Les médias, le monde et moi », qui présente de nombreuses initiatives visant à adapter les moyens d’information à la fantastique révolution numérique. Réalisé avec Flo Laval, il est diffusé dans des manifestations médiatiques ou des écoles de journalisme depuis plusieurs mois, après une sortie en mars sur la RTBF.

Accueillie cette semaine au Club par Simon Barthélémy, Anne-Sophie Novel, journaliste free-lance spécialisée dans l’écologie, (elle a collaboré au Monde, Le 1, Public Sénat, France Télévision et à des publications alternatives) développe en détail, avec des exemples, l’analyse de ces aspects de « défiance généralisée » et les points de rupture qui en résultent.

Aujourd’hui, elle présente un livre de 394 pages du même titre que son film, publié chez Actes Sud (1) et préfacé par Stéphane Paoli. Celui-ci souligne que « le journalisme est une discipline humaine qui, à tout instant, doit se convaincre que rien n’est au-dessus du langage, rien n’est supérieur aux mots. » Une bonne entrée pour un ouvrage qui, selon son auteure, « veut partir des conversations de famille, quand elles en viennent aux médias, et que les accusations tombent de toutes part : ils sont responsables des polémiques du moment, ils mettent le feu, ils n’ont rien d’autre à faire, ce sont des menteurs, des manipulateurs... »

Et de citer l’affaire des Gilets Jaunes, « avec la guerre des images que se sont livrés médias et réseaux sociaux tenus par les G.J. durant le mouvement. (…) Au découpage et au montage effectués par les journalistes, les Gilets Jaunes opposent, comme le note le professeur François Jost, de longs plans-séquence en direct, sans interruption, censés être plus authentiques, moins susceptibles de manipulation. C’est évidemment une illusion dans la mesure où cadrer, c’est toujours éliminer de son champ toute une partie du monde. »

De nouveaux « chemins de faire »

Mais elle souhaite rester positive, et explorer les nouvelles pistes médiatiques qui résultent de ces moments d’incompréhension ou de rejet des médias.

« Je m’adresse au public, explique l’auteure, pour lui donner de nouvelles habitudes. Les journalistes essayent de faire leur métier, ils sont soumis à certaines contraintes, qu’il faut connaître. Mais je pense que les gens ont un vrai besoin d’être nourris intellectuellement. Ils assistent à de la polémique, à des débats, mais cela ne les nourrit pas. Si l’on continue, on n’arrivera plus à y voir clair. Il faut réintroduire de l’information précise, et la relier au consommateur. Faire une « détox » ! »

De « Tous dans le même sac » par le public à « Tous dans la même galère », sa deuxième partie, il n’y a qu’un pas, avec le portrait d’une profession malmenée par la confusion des genres, l’effondrement de l’économie traditionnelle de la publicité et le rabotage des emplois, le tout sur fond de menaces en tous genres. Mais Anne-Sophie Novel tient à apporter des solutions, en effectuant un vaste panorama de nouveaux médias, ou du moins de comportements différents. Elle consacre les deux tiers restants de l’ouvrage à cette œuvre difficile.

« – Ceux qui nous critiquent ne connaissent pas certains médias en ligne qui font d’autres efforts. Et si nous, professionnels, nous faisons un chemin vers le public, il faut donner les moyens à celui-ci d’en faire un vers nous. Et d’apprendre à utiliser les outils

Elle cite l’éducation aux médias, bien développée en France par le CLEMI vers les jeunes, et qui fait l’objet de programmes spécifiques pour adultes en Grande-Bretagne. « C’est le plan « Literacy » qui a pour objectif de bien et de mieux s’informer. Je me suis demandé ce que l’on pourrait faire de massif là-dessus ? Il faut cultiver une sacrée diversité d’initiatives, renouer avec des espaces de conversation, avec le débat public. »

C’est le « journalisme constructif », qui pour elle n’est pas seulement la dénonciation des problèmes, c’est la recherche des causes de ceux-ci.

Elle cite des médias hollandais dont les journalistes ont des périodes de débat avec les gens. Ou les équipes de journalistes du site de Nice-Matin, en France, qui ont développé un dialogue local et numérique. Cela a multiplié le nombre d’abonnés par neuf en trois ans.

« Je suis assez enthousiaste, mais c’est une posture à changer aussi ! Il faut refléter le monde qui vient, pas juste le présent. C’est crucial aujourd’hui, nous devons reprendre un rôle, avec la notion de média/médiateur. »

Dans le livre, elle prend l’exemple de l’écologie pour présenter diverses formules. La dernière partie est joliment titrée « Vers de nouveaux chemins de faire », pour de nouvelles postures journalistiques, « en retrouvant les faits, le temps, le public, le sens et un cadre. »

Lorsqu’on lui demande quelles sont à présent ses priorités, l’auteure dit « vouloir revenir aux basiques du métier, et retrouver le public. Il faut en prendre le temps. Avec les Gilets Jaunes j’ai retrouvé cela. Et avec l’enquête on retrouve le temps. »

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  1. « Les médias, le monde et nous », par Anne-Sophie Novel, « Domaine du possible » aux Editions Actes Sud, 394 pages, 23 euros, en librairie le 23 octobre.

(Photo Pierre-Hervé DUSSEL)

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