Pour accompagner sa présentation publique à Bordeaux, l’Observatoire de la Déontologie de l’Information avait choisi d’organiser un débat public, en invitant le juge Jean-Michel Lambert, auteur de « De combien d’injustices suis-je coupable ? » ( 2014, Cherche Midi). Présenté à l’IJBA, Institut de Journalisme Bordeaux-Aquitaine, le débat avait pour thème : « Les relations presse-justice : quelle lire la suite

Ensemble 2Pour accompagner sa présentation publique à Bordeaux, l’Observatoire de la Déontologie de l’Information avait choisi d’organiser un débat public, en invitant le juge Jean-Michel Lambert, auteur de « De combien d’injustices suis-je coupable ? » ( 2014, Cherche Midi).

Présenté à l’IJBA, Institut de Journalisme Bordeaux-Aquitaine, le débat avait pour thème : « Les relations presse-justice : quelle place pour la déontologie ? »

Marie-Christine Lipani, membre de l’ODI, chercheure en journalisme et directrice adjointe de l’Ecole, animait le débat qu’elle avait organisé de a à z, avec la participation de confrères spécialisés des médias bordelais : Yann Saint-Sernin de Sud Ouest, Philippe Bernes-Lasserre, de l’AFP,  le professeur Patrick Eveno, historien des médias à la Sorbonne 1 et Vincent Serrano, étudiant en Master 1.
Les étudiants de l’IJBA, pour leur part, avaient réalisé une introduction sur le thème de l’erreur judiciaire, mêlant des extraits de grands affaires ( Outreau, Patrick Dills, etc.), aux images de films cultes tel que « Douze hommes en colère », où l’un des jurés fait, à force de patience et d’arguments, basculer un jury vengeur en faveur de l’innocence de l’accusé.

Juge Lambert 3

Le juge Jean-Michel Lambert a d’abord expliqué comment après le drame de la Vologne, il est parvenu à surmonter l’échec et à se reconstruire. ( Crédit photos Maxime Turk)

« L’affaire Grégory » débute en octobre 1984, par la découverte du corps de l’enfant dans la Vologne. Elle remue des torrents  de boue, soupçons, médisances, lettres de corbeau, histoires de sombre vengeances.

Alors que le juge libère le premier suspect, Bernard Laroche, mais ne décide pas le non lieu, dans l’attente de pièces définitives, cet homme innocent est abattu par le père de la victime, Jean-Marie Villemin.

Le dossier est toujours ouvert et fait périodiquement l’objet de vérifications complémentaires.

Jeune débutant dans le ressort d’Epinal, il avoue son désarroi à l’arrivée de la « meute des journalistes parisiens » à laquelle il n’était pas préparé. Moqué à l’époque par les journalistes, « le petit juge » en veut surtout à ceux qui se sont livrés sur ses tâtonnements à des exercices de littérature, dans l’irrespect total des faits, et la méconnaissance de la procédure.

Et de citer tel titre de Libération  » La ville dont le juge est un enfant », (sous-entendu irresponsable), racontant qu’on est allé le rechercher en vacances à Tamanrasset pour rentrer d’urgence au Palais, ce que dément formellement JM Lambert. « Il y a une vraie barrière entre la justice et la presse. On ne compte plus le nombre d’erreurs dans les articles, sur les faits, sur la procédure ! »

 

Et d’ailleurs…Pour quelle raison les grands médias font-ils tant de place au fait divers ? Même France 3 devient « Détective » ! ( Le juge)

 

Avant la remise en liberté de Bernard Laroche, le juge réunit les journalistes pour leur en expliquer la raison : les charges ont disparu. Mais faute de preuves solides et surtout de coupable à présenter au public, à la presse, à la famille, il ne réussit pas à détourner la vengeance du malheureux beau-frère.

 

S’ensuit toute une série de questions :

Quel secret de l’instruction ? Que peut dire un juge ? Peut-il ouvrir le dossier à la presse, informée ( manipulée ?) par ailleurs par des avocats au bénéfice de leur client ?

Que valent les conférences de presse des Procureurs, face aux détails nouveaux et précis que recherchent les reporters pour alimenter la chronique, et désormais, l’information en continu ? Livrer des pièces accusatrices ne vaut-il pas atteinte à la présomption d’innocence, condamnation sans procès ?

Actuellement la seule relation officielle, ce sont les communiqués des procs, et le journaliste ne peut pas s’en contenter ! (Le journaliste)

Le temps des juges et celui de la presse est si différent, dans une chasse au scoop permanente, au premier témoin venu, est-il possible de traiter une affaire dans l’urgence ? demande le public étudiant ?

Pour Patrick Eveno, oui le journaliste a toujours la possibilité et le devoir de faire preuve de responsabilité.

 

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Conclusions : Le juge Lambert est assez pessimiste sur les solutions. Chacun fait son métier, nous sommes deux mondes qui se croisent, se recoupent, s’affrontent. C’est le jeu de la démocratie.

Des relations de confiance peuvent s’instaurer au cas par cas. Mais il ne faut pas espérer de réponse du système, et du législateur.

Le juge se borne à formuler des souhaits : que les journalistes améliorent leur formation juridique et leur connaissance de la procédure. Et que les futurs juges  ne fassent pas seulement l’apprentissage de la presse sur le tas.

Et surtout : « Pourquoi sous certaines plumes cette ironie facile qui peut faire du mal *? Ne soyez pas perfides, méchants gratuitement, cherchant à faire un bon mot sur une situation tragique. »

 

Le contrepoint de la Déontologie et de l’Histoire :

Au cours du débat, le président de l’ODI, Patrick Eveno, a rappelé – qu’on l’aime ou pas – le rôle majeur du Fait Divers dans le développement de la grands presse de masse : « Le Petit Journal s’est créé sur le fait divers. Le fait divers est un genre journalistique majeur qui rejoint la tradition des grandes mythologies. »

Et pour conclure : reste la liberté face à la responsabilité. Tout est dans le traitement des affaires.

 

*L’article de Libération auquel le juge fait allusion « Voila, voilà ! » 

( Autour de la table Marie Christine Lipani, le juge Jean Michel Lambert, Yann Saint-Sernin, Patrick Serrano, Philippe Bernes-Lasserre, Vincent Serrano)

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