Le film sortira en salles le 13 mars, mais Edwy Plenel est venu le présenter le 13 février à Bordeaux en avant-première, dans le cadre du festival « La classe ouvrière c’est pas du cinéma ». « La réalisatrice, Naruna Kaplan de Macedo, est une jeune documentariste israélienne. Elle était lectrice de Mediapart et est venue nous voir lire la suite

Le film sortira en salles le 13 mars, mais Edwy Plenel est venu le présenter le 13 février à Bordeaux en avant-première, dans le cadre du festival « La classe ouvrière c’est pas du cinéma ».

« La réalisatrice, Naruna Kaplan de Macedo, est une jeune documentariste israélienne. Elle était lectrice de Mediapart et est venue nous voir un jour en disant : je voudrais faire un documentaire sur votre rédaction. » Edwy Plenel, le directeur du célèbre site d’information, a accepté en précisant qu’il n’avait pas pris de droit de regard sur le film. « C’est sa vision, à la fois sur la France, sur la politique et sur le journalisme. Un regard inattendu. »

Mais une œuvre réalisée « Depuis Médiapart » (titre du film) qui a passionné des dizaines de spectateurs mercredi dernier à l’Utopia de Bordeaux. Au point que lorsque toutes les places ont été attribuées (il fallait les avoir achetées plusieurs jours avant) il restait encore trente personnes qui n’ont pu entrer. Elles devront attendre la sortie en salles le mois prochain. Un succès pour ce cinéma d’art et d’essai qui se bat pour que l’on puisse continuer à voir des œuvres rares ou engagées.

Programmé dans cette salle au même titre que « Etat de siège », « L‘Aveu », ou « Missing », le film assume son identité – et son originalité – de documentaire, qui explique avec méthode comment les journalistes vont chercher leurs infos. Il a été tourné de mai 2016 à mai 2017, et inclut donc tout le suivi des campagnes électorales françaises de l’époque par un journal web que son fondateur décrit comme « un journal protéiforme ». Il cite l’écrivain Edouard Glissant, qui pourrait fournir une devise à tout journaliste : « Agis dans ton lieu et pense avec le monde ».

L’état de nécessité

Le film dure 1h40, le débat durera tard ensuite, et Edwy Plenel décrira les axes de Médiapart, fondés sur des comportements face à l’information plutôt que sur des rigidités : comment être dans un travail d’investigation, et en même temps se trouver dans le flux d’infos, ou encore « tenir la barque avec de jeunes journalistes qui ont une autre expérience du métier ». Et la notion d’inattendu, valable à la fois pour l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence, et pour l’apparition des gilets jaunes en novembre dernier. Celui qui avait inventé la formule « rien ne se passera comme prévu » aux dernières élections définit Médiapart comme « un collectif de travail de l’information » qu’il appelle familièrement « le journal ». Mais pas par regret ou passéisme. «  Dans la révolution numérique, ce qui va défendre notre tradition c’est la valeur de l’information. C’est à dire une valeur démocratique, et des choses à savoir , car tout le monde a le droit de savoir. »

Le métier est alors fait de différences, de plus-values et de travail sur l’angle. « Le pari de Médiapart est de faire l’agenda par des révélations inédites et de ne pas rater les nœuds principaux de l’actualité. »

Avec 156.000 abonnés individuels et plus de quatre millions de visiteurs actifs, Médiapart n’est pas en flux continu, il présente trois éditions par jour. « Il y a une manchette, on propose un menu. Le numérique nous permet d’échapper au formatage.Mais la technique peut augmenter les usages sociaux . Tout abonné peut critiquer ou contester. La transmission, c’est l’essentiel. Et il y a plusieurs tandems paritaires dans la rédaction, la parité est totale.»

L’équipe a de 35 à 45 ans et de nombreux jeunes journalistes veulent y entrer.

« Mon bonheur dans cette histoire, note Edwy Plenel, est d’avoir transmis ce qui me tenait à cœur. Le rôle des journalistes est de mettre les problèmes sur la table. » Citant Albert Londres « qui disait qu’il racontait ce qu’il voit », il rappelle des affaires récentes, « Cahuzac, Bettencourt, Baupin et Benalla, cette dernière qui illustre la part d’ombre du pouvoir actuel et le problème du régime présidentiel. »

Dans le débat il répondra à une question sur les implications des affaires d’Etat en estimant « qu’une dérive autoritaire s’installe ». Sur l’affaire Benalla, il résume les étapes, « depuis un petit fait-divers le 2 mai 2018, à la vidéo révélée par Le Monde le 18 juillet, et maintenant l’affaire du contrat russe ». Sa conclusion provisoire : « Vous ne m’empêcherez pas de penser que dès que l’affaire a éclaté, tout a été mis en œuvre pour protéger Benalla. Pourquoi ? C’est une énigme. Pour l’instant on ne sait pas. Comme dans toute enquête, on ne doit pas prédire l’avenir. J’ai des idées, des hypothèses qu’on est en train de vérifier. Mais on approche avec le contrat russe. »

Sur les questions que peut se poser un journaliste avant de faire une révélation, il terminera en invoquant « l’état de nécessité » : « La vraie question est : est-il légitime de la révéler, est-ce une information d’intérêt public? »

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Contacts

« LA CLASSE OUVRIÈRE C’EST PAS DU CINÉMA »

Jusqu’au 17/02/19 à l’Utopia, 5 Place Camille Jullian, Bordeaux.

16e Rencontres cinématographiques
Du Mardi 12 au Dimanche 17 FÉVRIER.
Organisées par Espaces Marx Aquitaine Bordeaux Gironde, en partenariat avec les librairies La Machine à Lire, Krazy Kat et Comptines.
Programme complet disponible au cinéma et sur le site. Toutes les projections ont lieu à l’Utopia.

www.bordeaux@cinemas-utopia.org

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