FIJ2026

Avec une fréquentation record de plus de 9 500 visiteurs, la 9e édition du Festival International de Journalisme de Couthures-sur-Garonne a confirmé son succès. L'heure est désormais au bilan, tiré lors d'une rencontre visant à co-construire l'édition 2026, qui célèbrera le 10e anniversaire de l'événement.


C’est dans le cadre bucolique des vergers de Couthures, assis sur des bottes de paille, qu’une trentaine de festivaliers ont rejoint Gilles van Kote, président du Festival et directeur aux relations avec les lecteurs du Monde, et Sonia Jouneau, directrice des partenariats au Monde, pour une rencontre bilan intitulée « Quel festival en 2026 ? ». L’objectif : débriefer l’édition écoulée pour mieux préparer la suivante, qui marquera les 10 ans de l’événement.


Des bénévoles en or et une logistique à peaufiner

Le premier satisfecit, unanime, est adressé aux bénévoles. Leur convivialité et leur efficacité ont été saluées, particulièrement face à la tempête de samedi soir qui a nécessité une réorganisation express, l’évacuation de tentes et même le relogement de certains participants chez l’habitant. Une présence associative que les festivaliers auraient aimé retrouver dans les sujets du festival.

Quelques points d’amélioration logistique ont toutefois été soulevés. La gestion de l’eau, entre des douches jugées trop chaudes et l’absence de brumisateurs lors du pic de chaleur à 35°C, a fait débat. Les organisateurs ont justifié ce choix par une démarche écologique stricte. De même, l’absence de fontaines à eau s’explique par la volonté de ne pas utiliser de matériel non produit localement.

Les festivaliers ont aussi mené leur propre autocritique, pointant des « incivilités » comme la réservation de sièges pour des personnes arrivant en retard, au détriment du public présent à l’heure. Il a été suggéré d’intégrer un rappel à la courtoisie dans la charte du festival. 

Ce rappel au respect vaudrait aussi pour les opinions des intervenants, l’un d’entre eux, Jean-Sébastien Ferjou, journaliste chez Atlantico ou Thierry Coste, lobbyiste pour la Fédération nationale des chasseurs et secrétaire général du Comité Guillaume-Tell, qui ont été hués durant une session, ce qui a été vécu comme une contradiction avec la volonté affichée d’entendre des points de vue divergents. Une contradiction difficile à obtenir et qui devrait être saluée, selon les organisateurs. Ces derniers ont précisé que trois journalistes du Figaro avaient été invités par le festival, mais n’ont même pas répondu à l’invitation. 

La carte de préachat « cashless » a aussi été défendue par l’organisation : elle s’avère indispensable pour pallier un réseau 4G insuffisant qui a causé des pertes financières les années précédentes, notamment pour les producteurs locaux. Elle assure également une traçabilité sanitaire efficace. Il a été rappelé que le solde restant est remboursable sur le site du FIJ (https://www.festivalinternationaldejournalisme.com/) ou, à défaut, reversé pour la restauration de l’église du village, en espérant qu’elle puisse un jour accueillir une projection ou une exposition du FIJ. Enfin, le parking à vélos et les toilettes sèches, victimes de leur succès, ont connu quelques embouteillages.


Le public réclame la parole

Au-delà de la logistique, une demande forte a émergé : celle d’une participation plus active du public. La frustration de ne pouvoir poser que quelques questions en fin de débat a été largement exprimée. Plusieurs solutions ont été proposées, comme annoncer en début de session le nombre d’interventions possibles ou même imaginer des formats de débat sans intervenants, où un médiateur organiserait la discussion directement avec le public.

Cette volonté de co-construction se reflète dans les thématiques plébiscitées pour l’avenir. Si le sujet des océans, porté par la venue du militant Paul Watson, a marqué 2025, les festivaliers ont déjà suggéré des pistes pour 2026 : la santé mentale (déjà abordée il y a deux ans avec succès), l’impact de l’IA sur le journalisme (déjà abordé en 2024), ou encore le lien entre les journalistes des villes et ceux des champs, mais aussi l’anglicisation du jargon journalistique : reflet d’une nouvelle réalité ?

Gilles van Kote a reconnu un « loupé » dans la programmation de cette année : le manque d’un débat spécifique sur la situation au Moyen-Orient et à Gaza, un sujet seulement effleuré dans des discussions plus générales mais qui aurait mérité autour d’une table ronde, notamment sur la possibilité, justement, de parler de ce sujet clivant.


2026 : une 10e édition festive et des défis

L’année prochaine sera spéciale, car le festival soufflera sa 10e bougie. Le thème de « la fête » s’est imposé comme une évidence pour cet anniversaire.

Mais des défis demeurent. Le premier est de réussir à attirer un public plus jeune et plus diversifié, au-delà des professionnels et des passionnés déjà convaincus. Des pistes ont été explorées par les organisateurs du côté du conseil régional, des missions locales, des colos apprenantes et des sujets en lien avec les réseaux sociaux… Là encore des pistes ont été proposées par les festivaliers : des articles de vulgarisation dans la presse locale, une communication à destination des universités, davantage de « journalisme vivant » comme la présentation du spectacle « Ceci n’est pas une religion », d’Élodie Emery, ancienne journaliste de Marianne… Les organisateurs ont aussi demandé aux parents et grands-parents présents d’être prescripteurs de cet événement qui a lieu pendant les vacances scolaires.

Le second défi est politique. À l’approche des élections municipales de 2026, une inquiétude a été soulevée quant à un éventuel basculement au Rassemblement National de villes partenaires comme Marmande. Le festival devrait alors, à l’instar du festival de photojournalisme Visa pour l’Image à Perpignan, prendre position.

Le Fij s’exporte en Gaspésie

Signe indéniable de la réussite et de la pertinence de la formule, le FIJ a été adapté, avec l’accord de ses créateurs, au Canada. Le Festival International du Journalisme de Carleton-sur-Mer (FIJC), en Gaspésie, est né de l’inspiration de Couthures-sur-Garonne, prouvant que ce petit village du Lot-et-Garonne est devenu, le temps d’un week-end, un épicentre mondial du débat sur l’information.


Texte : Céline Boileau, co-pilote de la commission EMI du Club de la presse de Bordeaux-Nouvelle-Aquitaine (avec Gemini).

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