Mal genrées, discriminées et oubliées, les communautés queer ne sont que trop rarement bien représentées dans les médias. Mardi 28 mars, à l’occasion de la 16ème édition des Assises internationales du journalisme de Tours, 4 journalistes queer se sont exprimés sur la question.

« Lesbien Raisonnable est né d’un besoin. » « En 2013, il n’y avait aucun média papier lesbien, j’ai donc créé WellWellWell. » « Après Yagg, on manquait d’un média d’actu LGBT. » « XY est fait par et pour les trans et leurs alliés. Il y a une vraie nécessité de contenus faits par les personnes concernées elles-mêmes. » Que ce soit pour Lauriane Nicol, fondatrice de Lesbien Raisonnable, Marie Kirschen, rédactrice en cheffe de “Well”, Christophe Martet, directeur de la rédaction de Komitid ou encore Elin Casse, journaliste chez Radio Parleur ; le constat est le même. Les médias communautaires queer sont crées, rejoints et soutenus pour répondre à un véritable besoin. Celui d’être bien représenté. Réunis pour une table ronde organisée par les Assises internationales du journalisme de Tours et Radio Campus ce mardi 28 mars, les intervenants, tous queer, ont exploré la question de la représentation dans les médias de la communauté LGBTQIA+ au micro d’Audrey Lecompte et Mélisse Wyckhuyse.

« Si personne n’est capable de parler de nous correctement, on va le faire », résume Elin Casse. Membre de l’AJL, l’Association des Journalistes LGBT, elle a participé à une vaste enquête sur le traitement médiatique de la transidentité en France en 2023. Sur 16 semaines et 434 publications, « 55% des articles sont corrects, il n’y a pas de mégenrage, l’utilisation des pronoms est bonne. Mais la plupart des bons articles sont tirés de l’AFP et quand ce n’est pas le cas, le contenu est polémique et politique plus que journalistique ».

Pour Marie Kirschen, « les erreurs arrivent parce que n’importe qui traite de ces sujets alors que la question queer devrait être une spécialité à part entière ». Et ces erreurs de représentations, les stéréotypes, l’invisibilisation, « tout ça participe au sentiment que les médias ne s’intéressent pas à nous », déplore Elin Casse. « Une lesbienne ne meurt jamais, dans une nécrologie on ne dit pas qu’elle était en couple avec une autre femme, nous sommes invisibilisées », regrette Lauriane Nicol.
« Les rédactions ont encore du mal, pour eux notre identité, être gay, trans ou lesbienne relève de la vie privée. Mais une fois qu’on a fait notre coming out, ce n’est plus privé, alors pourquoi ne pas en parler ? », s’indigne à son tour Christophe Martet.

Mais alors comment mieux représenter la communauté queer et en finir avec les connotations et les clichés hétéronormés ?
« Ça passe par une prise de conscience par les rédactions et les journalistes de l’historique de couverture, souvent mauvaise. C’est prêter attention au vocabulaire, à la représentation des couples dans les papiers, aux thèmes abordés. C’est aussi reprendre les termes utilisés par la personne pour la décrire », explique Marie Kirschen. « L’AJL propose un kit pour les journalistes pour les aiguiller dans le traitement des thématiques LBGT mais c’est surtout une question de respect de la personne », ajoute Lauriane Nicol.
Christophe, le doyen de la tablée, le rappelle, « ça a beaucoup évolué depuis mes débuts, mais il reste des choses à faire, c’est évident ». Elin, elle, « rêve d’un monde où il n’y aurait plus besoin de médias communautaires ». Un monde où, selon Marie, « un média réellement généraliste, inclusif, traiterait des questions LGBTQIA+ comme le reste ».

Louane Velten


Photo, de gauche à droite : Elin Casse, Christophe Martet, Marie Kirschen, Lauriane Nicol. Au micro de Mélisse Wyckhuyse et Audrey Lecomte. 

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