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L’association de protection de l’environnement Cistude Nature est venue au Club rendre compte de six ans de programme scientifique « Les Sentinelles du Climat ». Il visait à comparer études et données de terrain pour rendre compte du lien entre réchauffement climatique et biodiversité locale. Menées à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, ces recherches attestent d’un déclin flagrant de la population animale.

Diaporama préparé avec soin, étayé par des chiffres et graphiques, Christophe Coïc et Fanny Mallard prennent place devant la quinzaine de journalistes présent·es ce 23 juin au Club de la presse. Respectivement cofondateur de Cistude Nature et chercheuse au CNRS, ces scientifiques viennent présenter le résultat de six années de recherche dans le cadre du programme « Les Sentinelles du Climat ». L’étude n’est pas encore terminée mais cette synthèse vise à sensibiliser l’opinion publique en faisant état de « la science en construction ».

Porté par l’association de protection de l’environnement Cistude Nature, Les Sentinelles du Climat a pour but d’observer l’impact du changement climatique sur la biodiversité locale. Il est soutenu par le Département de la Gironde, celui des Pyrénées Atlantiques, et l’Europe (financé par le Fonds Européen de Développement Régional, Feder et la Région Nouvelle-Aquitaine). 78 structures aux participé aux trois différentes phases (observation, compréhension, action).

Les données à l’échelle mondiale sont relativement connues : nous sommes dans la « sixième extinction de masse » ; le rapport Living Planet 2020 indique une diminution des populations animales vertébrées de 68 % entre 1970 et 2016. En cause : l’activité humaine. D’abord, le changement d’usage des terres, puis la surexploitation et… le changement climatique en troisième position. Ce dernier « va devenir de plus en plus intense et amplifier toutes les autres causes du déclin de la biodiversité », relève la coordinatrice du programme Fanny Mallard.

Un déficit de données locales

De cette observation découle l’importance de comprendre les liens entre changement climatique et déclin de la biodiversité. C’est Acclimaterra, comité scientifique de (Nouvelle-)Aquitaine sur le réchauffement climatique, qui tire la sonnette d’alarme quant au déficit de données sur le comportement des espèces face aux changements du climat. Christophe Coïc, directeur du projet, partage ce constat : « On parlait beaucoup de l’ours sur son glaçon […] mais quid de la biodiversité dans l’ex-Aquitaine, maintenant Nouvelle-Aquitaine ? » Les Sentinelles du Climat est donc venu apporter à ce conseil de recherche présidé par Hervé Le Treut (Giec) ces données manquantes.

Sur un ton pragmatique, Fanny Mallard avertit que « la biodiversité qui nous entoure est déjà impactée et le sera encore plus dans les années à venir ». Plus sensible aux changements climatiques que les autres régions, la Nouvelle-Aquitaine devient un laboratoire à ciel ouvert. Les « Sentinelles du Climat », espèces de la faune et de la flore qui ont donné leur nom au programme éponyme, sont donc étudiées depuis 2016. Ces espèces ont des capacités de déplacement limitées et « devront s’adapter aux changements climatiques, ou être en extinction », poursuit la docteure-écologue.

L’étude porte plusieurs objectifs : celui de mêler les études à des données de terrain, récoltées sur plus de 251 sites dont certains munis de stations météorologiques. Également d’esquisser des tendances du déclin de la biodiversité jusque 2100 en fonction des scénarii du GIEC.

Des problématiques qui diffèrent selon les milieux

Pour ce faire, quatre milieux ont été étudiés : les dunes, les milieux montagnards, les milieux secs et les milieux humides. Chacun comporte une problématique spécifique face au changement climatique. L’érosion côtière pour les dunes, le réchauffement même en haute altitude pour les montagnes empêchant les populations animales habituées au frais des hauteurs à monter toujours plus ; l’assèchement des milieux humides, et celui grandissant des milieux secs.

Des scénarii les plus optimistes à l’horizon 2100, où tout serait mis en œuvre pour réduire les émissions de gaz à effets de serre, aux plus pessimistes, où nous en rejetterions toujours plus, le constat reste inquiétant. Certaines espèces de Méditerranée déserteraient leur territoire pour s’installer dans les milieux secs aquitains. D’autres disparaîtraient, comme le lézard ocelé pour les dunes ou l’Apollon en montagne, dont la survie dépend du nombre de jours de neige.  D’autres populations seraient déplacées ou verraient leur cycle biologique perturbé.

Quelques observations semblent rassurantes : certaines espèces seraient capables de s’adapter. C’est le cas de la rainette ibérique qui, en milieu humide, utilise la végétation pour se protéger de la chaleur. Fanny Mallard pointe donc l’importance de la construction micro-habitats. « Le changement climatique est trop rapide et ne laisse pas le temps aux espèces de s’adapter, donc l’idée est de travailler à la création de microclimats favorables pour que les espèces y trouvent refuge quand les conditions climatiques sont critiques. »

Des perspectives sous réserve d’action politique

 « Les refuges climatiques sont des milieux extrêmement riches en biodiversité et ce sont ceux qu’il faut protéger d’abord. […] Plus un milieu naturel est riche, plus il est résistant aux impacts », complète Christophe Coïc. La priorité devrait donc être à la mise en place d’une stratégie régionale de conservation, qui dépend des décideurs. Le cofondateur de Cistude Nature regrette leur désintérêt : alors que trente-cinq scientifiques issus du Giec ont donné de leur temps mi-juin pour former les nouveaux députés aux enjeux climat et biodiversité, seul·es 154 parlementaires (sur 577) y ont assisté.

Prise de conscience médiatique, publique, mais peu politique. « On est sur des sujets complexes : il est plus facile d’émouvoir le public avec un chaton sur Facebook que sur ces sujets », tente de justifier le directeur. D’autres régions (Occitanie, Normandie, Bretagne, Auvergne-Rhônes-Alpes) ont montré leur intérêt pour ce programme scientifique, qu’elles aimeraient transposer à leur territoire pour tisser un réseau national. Pour l’heure et malgré l’urgence, Cistude Nature n’est pas sûre d’avoir le soutien nécessaire pour poursuivre son action.

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