Journaliste de télévision puis homme politique, mais aussi romancier, essayiste et documentariste, il a marqué la vie publique de notre région. Il était reçu au Club de la Presse pour présenter son portrait réalisé par entretiens, avec Didier Pourquery, aux Editions Memoring.

« Ayons une pensée émue pour nos confrères journalistes décédés. » C’est debout avec tous, que Richard Hecht, vice-président du Club, a ouvert la séance du 11 mai  par une minute de silence. Il s’agissait de rendre hommage à Pierre Zakrzewski, de Fox-News, Frédéric Leclerc-Imhoff, de BFM-TV, et Arman Soldin, de l’Agence France Presse, tous tués en Ukraine depuis 2022. Un lourd tribut pour notre profession, qui rencontre de plus en plus d’obstacles dans le monde pour l’exercice du métier. Il faut donc saluer toutes les initiatives qui visent à faire connaître les journalistes, leur travail, leurs aspirations et leur rôle dans la vie sociale. C’était l’occasion de la rencontre au Club d’une figure de notre région, dont la vie est décrite dans un ouvrage de 135 pages, « Noël Mamère,  la passion du journalisme et du politique » (1). 

Il rappelle tout d’abord sa naissance à Libourne, ses études à Bordeaux, son métier de journaliste à FR3 Aquitaine puis à Antenne 2, et ensuite sa vie de « militant de toutes les causes environnementales des Landes au Pays Basque, maire de Bègles, député de la Gironde... »  Des entretiens réalisés avec le président de The Conversation France et de Cap Sciences Bordeaux, Didier Pourquery. Celui-ci fut  journaliste à Libération et au Monde, rédacteur en chef de Sciences et Vie Economie, et collabora à La Tribune, Info Matin, Prisma Presse et L’Expansion. Il a été rédacteur en chef puis directeur-adjoint du Monde et auteur de nombreux ouvrages.

Réconcilier la ville avec son fleuve

« Qui est Noël Mamère ?« , interroge Richard Hecht en lançant le débat. « Ma famille est originaire de la Dordogne, j’ai un grand-père qui a fait le charretier pour transporter des pierres, puis il est devenu cafetier à Paris, avant de venir à Périgueux, avec ma grand-mère Louise, originaire de Ribérac. J’allais souvent dans leur maison pour les vacances. L’autre aïeul  était de Tocane Saint-Apre, et à 18 ans il est parti avec deux copains pour un tour de France et a ouvert une cordonnerie à Amboise, puis est devenu marchand de chaussures. » Son enfance et son adolescence se sont passées à Libourne, dans un collège religieux, puis à Saint-Joseph, à Sarlat. 
« Je dis toujours que je suis le fils de deux fleuves, la Dordogne et la Garonne, et c’est aussi pour cela que je suis devenu maire de Bègles. Mon obsession, quand j’ai été élu, a été de réconcilier la ville avec son fleuve. Et donc récupérer tout d’abord les friches de la SNCF à Tartifume, là où Blériot a fait des hydravions. On a aussi redécouvert les ruines du château de Tartifume. J’ai fait la Fête de l’Eau, pour que les Bordelais de toutes les communes fassent les Feux de Garonne. Puis il y eut la Fête de la Morue car je voulais travailler sur la mémoire ouvrière. Dans les années 60 il y avait 32 usines à morue. Et Bègles était une ville d’odeurs !« 

Didier Pourquery souligne que là-dessus, « Noël a écrit plusieurs livres, notamment une saga « Gens de Garonne« , mémoire des gens travaillant sur les bateaux, très agréable à lire, avec des documents et une recherche très sérieuse. » « Oui, répond t-il, je me suis beaucoup documenté sur la vie des marins, et toute la vie du petit peuple béglais, que je rencontrai… C’est un travail de journaliste devenu une saga, mais j’ai eu l’appui de Philippe Moreno qui savait que j’étais passionné par la Garonne, puis de l’éditeur Ramsay. »

Sa vocation de journaliste a cependant primé dans sa vie sur les choix politiques. « J’ai commencé mon métier en 1969 à Bayonne, dans ce qui allait devenir Radio Côte Basque. Puis j’ai été correspondant de RMC à Bordeaux avant de remplacer Edith Rémond comme correspondant du Quotidien de Paris. En 1977, Louis Bériot m’a contacté pour « C’est la vie« , une émission généraliste, qui traitait des questions d’environnement et de consommation. Je l’ai faite pendant cinq ans. Puis Pierre Lescure, devenu président d’Antenne 2, m’a confié le 13 heures durant cinq ans. Enfin, j’ai présenté une émission sur les Droits de l’Homme appelée Résistances. »

« Nous extraire de ce que nous sommes »

A Richard Hecht qui lui demande s’il se considère comme un journaliste-citoyen, il répond « qu’il devrait y avoir un statut intermédiaire, impliquant la curiosité du monde et le goût des autres ». Il évoque l’engagement qui a motivé son action politique, avec l’ouverture d’esprit donnée par ses parents catholiques, « qui n’étaient pas fermés ou sectaires » et par deux maîtres à penser qu’il a rencontrés dès ses débuts, « Simon Charbonneau et Jacques Ellul, qui m’ont fait réfléchir sur l’environnement et ouvert l’esprit. Cela a beaucoup contribué à mon engagement. »

Et cette démarche politique n’a pas fléchi au fil des années, même si le journalisme a eu la priorité. « Au départ, se souvient Noël Mamère, Gilbert Mitterrand m’avait demandé de faire partie de sa liste, mais c’était juste au moment où Pierre Lescure  me confiait le 13 heures !  J’ai donc refusé. Mais six ans plus tard il est revenu à la charge et j’ai donc fait la campagne avec lui. »
Etait-il socialiste? demande l’animateur. « Non, je n’ai jamais eu la moindre étiquette, les seuls partis auxquels j’ai adhéré sont ceux dont j’ai participé à la création : Génération Ecologie, Convergence Ecologique, puis Les Verts et Europe Ecologie Les Verts… Je ne courais après aucune responsabilité ministérielle ou autre. Je n’avais de comptes à rendre qu’à mes électeurs et ma parole était libre. »
Lorsqu’on lui demande si son nom avait circulé pour la présidence de la république, il répond que oui, mais qu’il « ne s’est jamais mis dans la peau du candidat, » car il voulait seulement défendre ses idées. Avec pour exemple le fait qu’il a célébré le premier « mariage pour tous » : « Oui, j’ai marié deux hommes, en les protégeant, en refusant le sensationnel. Il y a eu un film, « Mariés à tout prix », mais c’était un documentaire. Par contre j’ai reçu 4000 lettres d’insultes. »
Le débat s’achève sur des questions de la salle, et à Philippe Loquay qui demande  » Peut-on être à la fois journaliste et homme politique ? », Noël Mamère répondra : « Non, car le métier de journaliste consiste à nous extraire de ce que nous sommes… »

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(1) 
« Noël Mamère,  la passion du journalisme et du politique« , par Noël Mamère et Didier Pourquery, Editions Memoring, collection Figures de Nouvelle Aquitaine, 135 pages, 12 euros.
Contact : www.memoring-editions.com

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