Laurent Joffrin, directeur de Libération, défend le papier. Même si Libé ne vend plus que 75 000 exemplaires, cela représente 80% des recettes du quotidien.

Le directeur de Libération, Laurent Joffrin,  était invité par les étudiants de l’IJBA à un point sur l’avenir des journaux traditionnels, lors des Tribunes de la Presse 2016. Il en a profité pour pulvériser quelques idées-reçues et faux-semblants.

« – D’abord, j’aimerais savoir si on parle ici de presse écrite ou seulement de presse papier. » Dès l’entrée, Laurent Joffrin donne le ton : il exigera la précision et le sérieux durant tout le débat. Mais trois étudiants de Master 1 de l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) vont le talonner, avec des questions courtoises et sans concessions. Ce n’est pas tous les jours que l’on a sous la main le patron d’une réussite de presse parisienne aussi marquante que Libération !

Il développe tout d’abord l’idée que si la presse papier est en crise – Libé ne vend plus que 75000 exemplaires par jour- les sites web du quotidien se portent de mieux en mieux.

« -Le quotidien papier était déjà privé de son rôle d’annonce, c’était déjà le cas avec l’apparition de la radio dans les années 30, puis de la télé et enfin d’Internet. Mais cela fait déjà vingt ans que nous mettons des papiers en ligne, et aujourd’hui tous les sites d’actualités les plus lus en ligne sont ceux des journaux papiers. Le premier mondial est le Guardian. »

 Idée pas sérieuse

« -Mais pourquoi faut-il sauver ces supports ? La presse papier rapporte beaucoup moins qu’avant…» attaquent les étudiants. « – Je ne vois pas pourquoi on devrait se suicider ! rétorque Laurent Joffrin. Et la publicité papier rapporte encore 80% de nos recettes. Nous devons organiser une transition progressive des revenus, car nous sommes confrontés à un problème de modèle économique, mais je ne crois pas à la disparition totale du papier. Et l’intérêt de conserver ce support est aussi de garder avec nous 80% des journalistes de Libé ! »

Les aides de l’Etat sont-elles cruciales ? « -Ces aides datent de 30 ans, elles ne me choquent pas, en France, il y a beaucoup de secteurs aidés, comme l’agriculture par exemple. Elles ne représentent que 10% de notre chiffre d’affaires. Cela n’altère pas notre indépendance, aucun gouvernement ne m’a jamais menacé de les supprimer ! »

Les gratuits, une solution ? « – Non, ils n’ont jamais gagné assez d’argent et sont très liés à la publicité. » Pourquoi ne pas faire que des hebdos ? « – Non plus, leur diffusion plonge aussi. »

Il développera l’idée que la place pour un journalisme de qualité existe toujours, quel que soit le support, et que « travailler trop vite, c’est dangereux ». Et à un étudiant qui lui demande s’il est gênant que des entreprises du CAC40 soient propriétaires de médias, il répond : « – Venez voir, je vous invite une semaine chez nous, vous verrez : cette idée n’est pas sérieuse… »

Jean-Pierre Spirlet

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