Tribunes de la Presse 2024 - patrons de la presse

Au cours de la deuxième journée des Tribunes de la Presse, les grands patrons ont été au centre du débat. La concentration des médias dans les mains de quelques grands groupes industriels est indéniable. De Xavier Niel à Matthieu Pigasse, la volonté de certains d'accumuler les titres pour asseoir leur domination et étendre leur influence suscite plusieurs interrogations.

En France, les liens entre le monde des affaires et celui de la presse ont toujours été étroits. L’intérêt des grands patrons à investir dans le milieu médiatique n’a rien de nouveau. Mais à l’heure où les lecteurs se font de plus en plus rares, que cache cette sollicitude à l’égard des journaux et magazines ? 

Pour répondre à cette question Didier Pourquery, président du site The Conversation a ouvert le bal en interrogeant Emmanuel Hoog, directeur général du groupe de communication Combat sur l’influence qu’entretient Matthieu Pigasse, propriétaire du magazine Les Inrockuptibles auprès de ses journalistes salariés. 

D’après l’ancien président de l’AFP, du point de vue éditorial, les équipes travaillent de manière indépendante. En tant qu’actionnaire du magazine, Matthieu Pigasse se contente seulement d’acheter les actifs : “Cette distinction est délicate, mais elle donne lieu à des débats et interrogations. C’est pour cela que d’un point de vue citoyen, il faut être toujours vigilant et attentif.” Seulement, pour Nicolas Brimo, directeur délégué du Canard Enchaîné, l’attention se cache ailleurs. “Certes Matthieu Pigasse à un grand goût pour la culture et notamment pour le rock, mais il ne faut pas être naïf. Il a acheté le journal pour gagner en influence politique.”

“Tout le monde a intérêt à ce que le système soit clean”

En 2023, 45% des Français ont répondu que la détention de médias par de grands groupes industriels était une « mauvaise chose ». 

Une méfiance, qui s’explique, d’après le directeur délégué du Canard, par l’influence politique des grands patrons : “Xavier Niel avait bien dit un jour, l’avantage d’être le principal actionnaire du journal Le Monde, c’est que lorsque je décroche mon téléphone, on me répond immédiatement à l’Élysée.” 

Selon Sandrine Treiner, journaliste et ancienne directrice de France Culture, cette influence reste tout de même contrôlée : “On met en place des systèmes de protection avec des outils qui permettent d’assurer l’indépendance des rédactions. Tout le monde a intérêt à ce que le système soit clean, car si vous perdez la confiance, vous perdez les lecteurs.”

Dans ce contexte, l’utilité du service public a été interrogée. Pour Emmanuel Hoog, les aides à la presse, mises en place pour tenter de favoriser un certain pluralisme du paysage médiatique restent essentielles : “Pour des raisons démocratiques, il faut du contradictoire. Il est important d’avoir une information diversifiée.” Mais entre l’État et les grands patrons, qui contribue le mieux ? “Ce n’est pas parce que l’État finance que c’est ok. Il y a encore du travail à faire surtout lorsque la redevance audiovisuelle a été supprimée.” rétorque Sandrine Treiner. À la fin du débat, les trois intervenants se sont rejoints sur la question du numérique. Tous ont affirmé que l’information est devenue une économie de flux. 

“L’information a un coût et si on veut une bonne information, il faut mettre le prix.” a conclu Nicolas Brimo.  

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Texte : remerciements à Dalinie Mvemba, étudiante en journalisme au sein du programme La Chance.

Photo : Club de la Presse

Plus d’infos sur le site des Tribunes de la Presse 2023.

Retrouvez la conférence dans son intégralité en cliquant ICI (à partir de 1’08).

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