Fake fact

La matinée de la deuxième journée des 11èmes Tribunes de la Presse était étrangement titrée :"La dictature des médias et des réseaux sociaux ?". Heureusement qu'il y avait un point d'interrogation ! Car les débats ont plutôt montré, face aux politiques, et surtout face aux GAFA, combien la presse française était fragile.

TribuneMédias:politiques

« Médias et politiques : « je t’aime, moi non plus »« , ce débat ouvrait sur un constat : « les politiques shuntent aujourd’hui les journalistes » selon Sylvie Maligorne, rédactrice-en-chef-adjointe de l’AFP. Quasiment plus de conférences de presse ou de communiqués, tout est pré-mâché ou envoyé sur Twitter. Plus de journalistes réguliers à l’Assemblée Nationale (sauf une équipe de l’AFP) où pourtant se fabriquent les lois qui conditionnent notre vie. Stéphane Fouks, le Vice-président d’Havas, confirme :

« Les politiques ressentaient le besoin de maitriser leur communication » ! « Parler avec les journalistes constitue un risque.« 

Nicolas Brimo, directeur-adjoint du Canard Enchaîné, assure pourtant :

« La politique du Canard, c’est pas d’intermédiaires !« 

Comme « on reste dans un pays où les politiques pensent que le mensonge fait partie de la boîte à outils« , selon Stéphane Fouks, les journalistes considèrent que cela fait partie du jeu. Et d’ailleurs, toujours selon Stéphane Fouks,

« Macron a fait la preuve de sa capacité à mentir avec McFly et Carlito« .

Mais les politiques font-ils aujourd’hui pression sur les journalistes ? Peu selon Sylvie Maligorne qui parle pourtant de « journalistes black-listés« . Pour Nicolas Brimo, les pressions sont surtout économiques : « on ne peut pas se fâcher avec un annonceur publicitaire« . La faiblesse économique des journaux français est leur premier handicap.

Des journalistes « pas très combatifs« 

Mais tous s’accordent à reconnaitre que « les journalistes ne sont pas très combatifs » à la différence de leurs collègues américain.e.s. « Les photographes et les cameramen qui déposent leurs appareils dans la cour de l’Elysée (NDLR. sous la présidence de François Mitterrand), ce n’est plus possible aujourd’hui« , affirme Sylvie Maligorne.

« Les médias ont perdu leur pouvoir à cause de l’embrasement médiatique que peuvent créer les réseaux sociaux » pour Stéphane Fouks, même si « les politiques cherchent toujours à séduire les journalistes« . « Le politique a besoin de s’adresser à l’opinion. L’intermédiation par le journaliste était une obligation quand les médias fonctionnaient en « journée médiatique ». Les sujets font aujourd’hui irruption en suivant d’autres trajectoires. » Au monde de la raison (l’écrit) a succédé celui de l’émotion (l’image). « Le logiciel des politiques est largement inadapté au monde d’aujourd’hui« .

Pour les journalistes présents sur le plateau, « fonder une relation sur l’émotion est dangereux« . « L’image est une marchandise. Le sujet génère du chiffre d’affaires« , tranche Nicolas Brimo, « Nous devons garder notre fonction de service« . Pourtant « les journalistes ne sont pas très représentatifs de la société française« , trop parisiens, issus des classes privilégiées de la société.

Quant aux politiques, si aujourd’hui une trentaine se soumet chaque jour à l’exercice de l’interview, seuls deux ou trois maximum, laisseront des traces de leur passage à l’antenne ou dans la presse.

Les journalistes doivent rester fidèles à leur fonction pour Sylvie Maligorne : rapporter des faits pour que les citoyens se fassent leur opinion. A condition de pouvoir y accéder.

FOG

Les confidences de FOG

En illustration du débat, Franz-Olivier Giesbert, se donnait en confidences. Pour l’ancien directeur du Nouvel Observateur (et autres…), « le média est un contre-pouvoir« , « un combat de tous les jours« , « il est normal de prendre des avoinées de la part des politiques« , « c’est le jeu du chat et de la souris« . « J’ai assez peu participé à des conférences de presse, car j’avais honte des confrères, de leur complaisance… » « Il ne faut pas s’approcher trop près de la classe politique pour ne pas se laisser influencer… mais suffisamment pour pouvoir la portraiturer« . « On n’apprécie pas la réalité à partir de communiqués, de compte-rendus ou de procès verbaux« . « Il faut voir les gens, leur parler« . Mais de là à parler de « connivence« , il n’y a qu’un pas.

« Les GAFA au-dessus des lois ? »

Médias et politiques étaient encore le sujet du dernier débat de la matinée de vendredi : « Face aux GAFA, que peut le politique ? » En un mot, « les GAFA au-dessus des lois » ?

TribuneGAFA

Didier Pourquery, directeur de « The Conversation« , introduisit le débat en faisant référence au fait qu’il y a quelques mois, le Danemark avait nommé « un ambassadeur auprès des GAFA« . Les GAFA, à hauteur des pays. Plus même si l’on s’intéresse à leurs moyens.

Ils détiennent, pour Eric Scherer, directeur de l’Innovation du groupe France Télévisions, un pouvoir planétaire grâce à des technologies par ailleurs « pas maitrisées par les responsables politiques« . A côté d' »un progrès de la démocratisation de la parole« , « un énorme laisser-aller » ! Facebook se sert de « l’engagement des utilisateurs par le biais de l’émotion, le ressentiment, la colère…« 

Face à ces dangers, les Etats essaient de réguler mais « leur back-ground technique est insuffisant« . L’Australie a été le premier pays à obtenir le paiement de la reprise des informations en provenance des médias (NDLR. du groupe Murdoch).

Mais les GAFA refusent de se présenter comme « éditeur » et de ce fait, ne se sentent pas responsables de ce qu’ils publient.

GAFAM

Les Etats commencent à réagir. L’administration Biden semble vouloir se servir des lois anti-trusts. L’Europe a deux textes sur la table, le Digital Services Act, pour empêcher les contenus illicites, et le Digital Market Act, pour rendre la concurrence plus juste. La France pour sa part a déjà une loi en vigueur (mais pas vraiment appliquée) pour exiger la rémunération des contenus de presse sur les plateformes.

Les GAFA se jouent évidemment de la « lenteur du pouvoir politique« .

Pour Fabrice Fries, PDG de l’AFP, « la France est plutôt punchy, à la tête du combat« . Mais on peut constater que ce sont surtout les dictatures qui régulent ! La Chine devient d’ailleurs, aujourd’hui, « un allié objectif des GAFA« .

Pour Patrick Venries, PDG de Sud Ouest,

« C’est comme si on avait deux modes de distribution des contenus. Mais le monde du digital est préempté par les GAFA.« 

L’abonnement digital est plus de quatre fois moins cher que l’abonnement papier.

« Le problème c’est comment faire vivre ce nouveau modèle ? » Mais le digital, c’est aussi « une nouvelle grammaire. Et comment imposer une information tracée quand les lecteurs ont une autre idée de la vérité ?« 

Des aspects positifs

Pour Fabrice Fries, « les plateformes font ce qu’elles veulent. Le cadre juridique a été défini à la fin des années 90 quand les réseaux sociaux n’existaient pas. Les acteurs sont considérés comme de simples hébergeurs. » Même si, en Europe, le cadre juridique set plus restrictif qu’aux Etats-Unis, la plateforme n’est pas obligée d’agir en amont vers ses clients et quand elle le fait alors que les contenus sont déjà en place, elle se hâte très lentement pour les ôter. Le seul outil qui serait efficace, serait de s’en prendre au porte-feuille des GAFA. Actuellement les annonceurs ne savent même pas où va leur publicité. Les algorythmes qui gèrent tout cela sont parfaitement hermétiques et y intégrer un principe de précaution n’est pas encore à l’ordre du jour. Les GAFA s’y refusent.

La créature aurait débordé son créateur ? Non, « les GAFA ont privilégié la croissance des cours en Bourse au détriment de la sécurité« . Pour Eric Schérer, ces plateformes ne sont aujourd’hui que d' »énormes régies publicitaires« .

Pour Patrick Venries, « ce sont aussi des choses qui simplifient notre vie de tous les jours. » Et il croit qu' »elles sont en voie de devenir des médias traditionnels« . Pour l’instant la Fédération de la Presse a négocié la rémunération des contenus mais celle-ci se fait « de manière totalement opaque« . Une sorte de « brevet de régularisation » qui permet un peu de « consolider le modèle des éditeurs« .

Fabrice Fries tente lui-aussi de positiver la situation en espérant « qu’à l’avenir ils deviennent une catégorie de clients« .


LES TRIBUNES DE LA PRESSE

16.000 inscrits aux Tribunes 2021.

En replay sur tribunesdelapresse.org

Relations Médias: Jean-Pierre TUQUOI

Contact presse : Rachid Belhadj • 05 57 57 02 75 • presse@nouvelle-aquitaine.fr

Logo vins de Bordeaux