Sylvain Clament RFPI

Au début du printemps le Club de la Presse a présenté l’action menée par Radio For Peace International qui émet sur ondes courtes depuis 2019 et son responsable Sylvain Clament. Depuis, cette initiative qui vise aujourd’hui à contourner le discours officiel du Kremlin au sujet de la guerre qui fait rage aux portes de l’Europe a été largement relayée par les médias nationaux qui n’ont pas craint de donner la parole au créateur de RFPI, radio-amateur non titulaire d’aucune carte de presse mais qui n’en connait pas moins les règles de déontologie de la profession.

Sa première expérience sur le terrain de la défense de la liberté d’expression, Sylvain Clament l’a faite pendant la guerre d’Afghanistan en partenariat avec RSF. C’est ainsi que petit à petit, ses réseaux se sont étoffés et qu’il s’est retrouvé en contact avec des journalistes de toutes nationalités, bâillonnés par des systèmes politiques ennemis de la démocratie. Ceux qui cherchent depuis l’extérieur à faire savoir à leurs concitoyens soumis à la voix unique de la propagande officielle, la réalité des faits.

Voix muselées

Bien avant que n’éclate le conflit russo-ukrainien de 2022, des dizaines de journalistes russes dits dissidents ont quitté leur pays afin de garantir leur liberté d’expression si ce n’est protéger leurs existences. Tel a été le cas de Galina Timchenko, ancienne rédactrice du média moscovite Lenta.ru et de ses collègues fuyant Moscou en 2014 après avoir dénoncé l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Refugiée en Lettonie, à Riga, elle y a fondé le media en ligne Meduza qui diffuse de l’information en russe et en anglais. A cette époque, Anastasia Kirilenko prépare à Moscou un master franco-russe de journalisme.

Le 20 février 2014, l’étudiante est à Donetsk, témoin de l’invasion de la Crimée par les troupes russes, bien consciente du gouffre entre le discours officiel du Kremlin et la réalité du terrain. Sa décision est prise. Ce sera l’exil en France où elle obtient son diplôme en 2016 et où elle travaille depuis Paris pour Radio Free Europe/ Radio Liberty qui diffuse par ondes courtes, FM et internet. Elle s’est fait connaitre par l’enquête qu’elle a menée en duo en 2016 avec son collègue Vladimir Ivanidzeet sur Vladimir Poutine et ses liens avec le crime organisé (voir Poutine le Parrain, sur Temps Présent). Elle regrette cependant que le film documentaire bien que programmé en France, n’ait fait l’objet que d’une diffusion fort tardive. « Quand les deux seules grandes émissions d’enquête sont gérées par la même personne- en l’occurrence Elise  Lucet- nous avons été considérés comme des concurrents » affirme-t-elle.

Le documentaire en question a été fortement dénigré par la télévision russe d’Etat, ce qui était à prévoir, toute forme d’opposition entraînant la fermeture à plus ou moins long terme du média qui la diffuse et rangeant son ou ses auteurs dans la catégorie « agents de l’étranger ». Craint-elle des représailles ? « Pas vraiment à moins que mon travail ne soit couronné par un prix prestigieux et que je devienne un jour célèbre ».

La faille et la lumière

« Il y a une faille en toute chose » chantait Leonard Cohen. « C’est par là qu’entre la lumière »*. Tous les sites diffusant de l’info libre ayant été fermés, journalistes et médias d’opposition ont cherché à contourner les interdictions du gouvernement de Vladimir Poutine. C’est ainsi que Sylvain et Anastasia sont venus nous raconter le 23 mai comment ils ont été amenés à contourner la censure (voir le reportage d’Envoyé Spécial « Russie : la guerre des mots »). « Après la guerre froide, la Russie a détruit les systèmes de brouillage des ondes courtes et moyennes, c’est par là que nous passons », explique Sylvain Clament. 

Deux fois par semaine, lancés depuis la cabane au fond du jardin de l’infirmier radio-amateur, via un signal qui atteint la Mongolie, les reportages d’Anastasia ciblent la population russe. Preuve a été faite qu’Ils sont écoutés. Introduire une information basée sur des faits réels, c’est aider une population sous le joug totalitaire à se faire sa propre opinion. Et la journaliste russe de s’interroger un peu plus tard sur la manière dont fonctionne la démocratie dans un pays comme le nôtre, ses faiblesses également. Face au libre accès à l’information, nous n’aurions pas pour autant selon elle, le recul nécessaire sur l’Histoire pour émettre des jugements en phase avec la genèse du conflit et certains journalistes se contenteraient parfois de recueillir des commentaires percutants mais sans preuves, au nom de la liberté d’expression si chère aux Occidentaux.

REPLAY A VENIR SUR CETTE PAGE

*Anthem. Album The Future. 1992

Claude Ader-Martin

Logo vins de Bordeaux