Voici la nouvelle édition de ce que Les Assises ont convenu d’appeler « Baromètre social » et dont les organisateurs ont bien voulu me confier de nouveau la réalisation. Rappelons qu’il s’agit d’une photographie à chaud, de phénomènes par définition évolutifs dans la plupart des cas, donnant lieu à différentes étapes de négociations entre partenaires sociaux. (Jean-Marie lire la suite

 Voici la nouvelle édition de ce que Les Assises ont convenu d’appeler « Baromètre social » et dont les organisateurs ont bien voulu me confier de nouveau la réalisation. Rappelons qu’il s’agit d’une photographie à chaud, de phénomènes par définition évolutifs dans la plupart des cas, donnant lieu à différentes étapes de négociations entre partenaires sociaux.

(Jean-Marie Charon)

 

Quatre points saillants en introduction :

L’année est marquée par un nombre important de dépôts de bilans, dont des récidivistes (Paris Normandie, La Marseillaise), voire de disparitions de titres ou médias (Terra Eco, Pariscope, La Liberté de Comminges, Yagg.com, etc.). Ce qui ne doit pas faire oublier des créations (telles Médiacité, Explicite, Mellow, etc) ou la relance de Têtu.

Une seconde observation porte sur la multiplication de formes de ruptures dans l’organisation des rédactions : Responsable et équipe « premium » à Sud-Ouest, newsroom télé chez Prisma, pôle femme chez Mondadori, etc.

Lors de PSE et plans de départs volontaires s’exprime clairement l’intention de faire partir les journalistes de médias traditionnels au profit de nouveaux profils : « experts » dit-on à la Voix du Nord. Ceux-ci sont-ils journalistes ? Au groupe La Dépêche c’est l’agence « Dépêche News », qui embauche une dizaine de jeunes journalistes (profil numérique) « voltigeurs », devant passer d’une rédaction à l’autre. Soit, compétences multisupports, statut ou non de journalistes, évitement des droits d’auteurs, voire de la clause de cession ?

Une troisième observation concerne l’inquiétude face à la perte d’attractivité de certains médias : c’est la fin du démantèlement du secteur magazine de Lagardère, c’est aussi l’attentisme d’Ebra vis-à-vis du numérique en PQR.

La quatrième observation est plus optimiste. Elle porte sur la lente et régulière montée en puissance de rédactions web. Je pense bien sûr aux 45 CDI de la rédaction de Médiapart (Soit 6 embauches en 2016), mais aussi aux 30 journalistes du Huffington Post. Rappelons que la rédaction du premier comptait 24 journalistes en 2008, alors que le second était lancé en 2012 avec 8 journalistes.

35 238 cartes de presse : poursuite de l’érosion.

Comme chaque année un premier regard est à porter sur ce que sont les contours de la profession, au travers des détenteurs de la cartes de presse : Ils étaient 37 307 en 2009, soit le chiffre le plus élevé. Ils sont désormais 35238 ce qui marque un recul de 2069 (-5,54%) en 7 ans.

Parmi ceux-ci 9194 sont sur des statuts précaires (piges et demande d’emplois), soit plus du quart de la profession (26,09%). D’aucuns parlent de féminisation de la profession, en fait la parité n’est toujours pas là, puisque les femmes ne sont que 46,6%. En revanche elles sont 54,06% des premières demandes.

Encore faudrait-il comparer les durées de carrières des uns et des autres, puisque l’une des données identifiée par Christine Leteinturier[1] est la faible durée de celles-ci, en tant que détenteurs de la carte, soit 15 ans en moyenne. Travaillant sur les cohortes de dates d’entrée dans la profession, elle observe que la cohorte 1998 n’était plus qu’à 50% en activité. Ce qui rappelle les chiffres du premier baromètre CSA pour Les Assises. Au Midi Libre parmi la grosse quarantaine de partants on observe des projets de créations de médias, des reprises d’études, des projets professionnels vers d’autres secteurs…

Les principaux dossiers sociaux de l’année :

Impossible d’être exhaustif, soit principalement quatre secteurs particulièrement touchés.

Redressements judiciaires et plans sociaux en Presse quotidienne régionale :

Après les plans sociaux qui ont touché toute la PQN plusieurs dossiers chauds, certains récurrents, concernent la PQR : soit deux redressements judiciaires, Paris-Normandie et La Marseillaise, avec dans les deux cas des menaces de diminutions d’effectifs de journalistes.

Dans ce même secteur la poursuite du plan au groupe La DépêcheLes journaux du Midi. Journaux du Midi où l’on enregistre plus d’une cinquantaine de départs. L’annonce, surtout d’un nouveau plan au groupe La Voix, où il est question du départ de 55 journalistes, soit 16% de l’effectif.

News magazines à la peine :

Longtemps prospère face à une presse quotidienne fragilisée le segment des news magazines est en pleines turbulences : coups de tabac sur les diffusions (-9,8% en 2016 selon l’ACPM), recul publicitaire, distancé dans les audiences web avec des groupes tels que Le Monde et Altice à la manœuvre.

Dans ce contexte il faut rappeler la perte de l’ordre de 65 journalistes à l’Express, alors qu’à L’Obs, le PSE concerne au minimum 31 postes. A suivre également le plan de relance de Marianne, même si la rédaction semble déjà à minima (un trentaine).

Poursuite des restructurations d’une presse magazine en recherche d’un nouveau souffle :

Longtemps épargnée par le développement du numérique la presse magazine est en plein renouvellement : Les très gros titres à grosses diffusions comme les féminins populaires, le people, la presse tv reculent, parfois très rapidement. Les développements se font par des titres beaucoup plus ciblés et plus haut de gamme (cf. La stratégie Prisma Média ou d’un groupe comme So Presse). Dans ce contexte de nombreux dossiers concernant de grands groupes, des plus petits, voire des indépendants

Dans les grands groupes, Mondadori poursuit année après année des regroupements de rédactions en pôle (féminin cette année) avec à la clé un plan de départ volontaires pouvant concerner jusqu’à 15 journalistes (après 30 et 40 les années précédentes.

Chez Lagardère Active c’est moins clair sur fond de démantèlement du groupe de magazines. 80 postes de journalistes pourraient être concernés. En effet un mouvement social a laissé les choses en suspens.

2016 aura été aussi l’année de l’arrêt de Terra Eco qui employait 7 journalistes.

Radios et télévisions : dominé par la crise à ITélé.

Le conflit entre la rédaction et le propriétaire d’ITélé se solde par le départ de 92 journalistes. Ceux-ci ne sont pas compensés par la quinzaine d’embauches réalisées depuis et la promesse d’une vingtaine supplémentaire d’ici la rentrée.

 

FOCUS : Radios et télévisions d’information en continu.

Le secteur est à la fois dynamique et très concurrentiel. Il a été dominé en 2016 par plusieurs tendances et événements :

D’abord la poursuite de la progression de NextRadioTV qui en 5 ans a créé 173 postes de journalistes dans ses différentes antennes.

Ensuite la volonté du service public de se développer résolument en radio, en télévision, comme sur le web. Après en avoir été pionnier avec France Info en radio, c’est au tour de France Télévision de créer France Info sur le canal 27 (embauche de 23 journalistes) en même temps que l’action de France Médias Monde s’élargit avec des effectifs de journalistes qui progressent de plus d’une centaine, 64 pour France 24 et 43 pour RFI.

Ensuite le passage de LCI en gratuit, avec sa rédaction de 200 journalistes bénéficiant de la fusion – intégration de Métronews et MYTF1News sur le web et l’objectif affiché de se muer en véritable rédaction « bimédia ».

Enfin la crise et le conflit social à ITélé devenue CNews, la rédaction de 120 personnes se retrouvant à un peu plus d’une quarantaine, avec la promesse de 20 nouvelles embauches, soit une diminution de moitié.

Le secteur de l’information en continu emploie un peu plus de 1700 journalistes, avec la création de près de 250 emplois au cours des dernières années. Quasiment un journaliste sur cinq travaillant en radio et télévision. A noter la part prépondérante du service public, avec l’emploi de près de 1000 journalistes. Y compris en matière de création de postes dans les dernières années, soit un peu plus de 130.

 

Récapitulatif des principaux dossiers :

Paris Normandie :

A nouveau en redressement judiciaire. Alors qu’en juin un précédent plan a conduit au départ 15 journalistes (sur 31 salariés concernés).

Ce sera selon le repreneur, sachant que la proposition du groupe La Voix, prévoit la non reconduction de 7 à 8 CDD.

La Marseillaise :

A nouveau en redressement judiciaire, 57 journalistes sur un effectif de 113 salariés, à nouveau menacés par un PSE qui porterait sur 25 postes dont 9 journalistes. Le précédent plan de 2015 s’était déjà traduit par 91 départs, dont 35 journalistes.

La Voix du Nord :

178 départs (25% de l’effectif total), dont 55 journalistes (16%)

Création de postes « d’experts » (statut ?) en data journalisme, webmaster éditorial, infographie.

1ère tentative française d’un plan à l’anglo-saxonne : On fait partir beaucoup d’anciens profils print, pour faire entrer un nombre moins important de profils numériques, très spécialisés.

Groupe La Dépêche – Journaux du Midi :

Poursuite d’un plan de départs programmés sur l’exercice 2014-2018 : Au Midi Libre 47 départs (pour 38 prévus). A L’Indépendant ce sont 14 départs également… Pour rappel, ce plan succède à un précédent PSE conduit par l’ancien propriétaire (le groupe Sud Ouest) qui avait conduit au de 68 journalistes, puis à 63 clauses de cession au moment du changement de propriétaire.

Dans les titres de La Dépêche proprement dits, le non remplacement des partants, dit «plan Top 14 », en quatre ans 56 CDI de journalistes ont disparu.

Projet de la direction, d’embaucher une dizaine de jeunes journalistes « voltigeurs » (rattachés à l’agence de presse du groupe Dépêche News et non à une rédaction de titre.

 

News magazines :

L’Express :

Dans un contexte particulièrement déprimé (-13,51%) Exécution du plan présenté lors de la précédente édition aura conduit à la perte de 65 journalistes dont 41 clauses de cession.

Au-delà les autres titres du groupe l’Express (L’Expansion, Lire, Studio-Cinélive, etc.) ont connu quant à eux 74 clauses de cession.

L’Obs :

Même contexte dépressif de la diffusion (-10,43%). PSE : 31 postes de journalistes + 7 en suspens.

Marianne :

Toujours un recul sévère de la diffusion (-8,38%), l’entreprise indépendante est en redressement judiciaire depuis le 5 janvier 2017. L’effectif rédactionnel est à minima, avec 30 journalistes salariés et 3 pigistes permanents.

 

Presse magazine :

Mondadori :

Nouveau plan de départs volontaires, jusqu’à 30 postes dont 15 journalistes

A noter que celui-ci fait suite à deux plans de départs volontaires en 2014 et 2015 qui ont concernés respectivement 30 et 40 salariés.

Lagardère Active :

D’abord l’annonce d’un plan massif de départs, concernant 220 postes, avant notamment des cessions (Télé7 jours, Ici Paris, France Dimanche). 80 postes de journalistes étaient menacés. Dans le fil de baisses substantielles des effectifs entre 2012 et 2016 passés de 4300 à 3500.

Après mouvement social et négociation, la tonalité est plus souple (chiffres indicatifs, pas de licenciements), cependant en juin l’objectif est du même ordre (224 postes).

Editions Jalou :

Après redressement judiciaire, un plan de continuation qui doit se traduire par une réduction d’effectif : moins 11 salariés (de 63 à 52) et diminution du nombre de pigistes -28 (de 129 à 101).

Terra Eco :

Fermeture du titre le 30 mars. 14 salariés concernés dont 7 journalistes.

Challenges :

Plan de départs volontaires concernant 10 personnes, mais annonce d’embauche par Sophia Publications, d’une dizaine de journalistes pour renforcer le titre.

Histoire et collections

Pariscope :

Arrêt du titre par Reworld.

 

Presse Pro :

InfO6 Tem :

Rachat d’un ensemble de titres de Wolters Kluwers France, dont Liaisons sociales : 50 clauses de cession.

Groupe Michel Burton Communication :

Reprise du groupe : 14 CDI repris sur 34 salariés.

 

Radio :

Radio Monaco :

Licenciement de 8 salariés, dont 6 journalistes (toute la rédaction).

Radio Orient :

Redressement judiciaire et suppression d’une dizaine de postes.

 

Télévision :

Itélé :

94 départs dans la rédaction. Annonce d’une quinzaine d’embauches pour le lancement de Cnews et une vingtaine à venir.

L’Equipe 21 :

PSE : passer de 150 ETP à 100 ETP. Augmentation CDI (+ 7 à 8), diminution des pigistes ramenés à 20% de l’effectif.

TV Lyonnaises :

2 RivesTV et Lyon TV câble. Redressement judiciaire. Recherche partenaires ou repreneur.

Telim TV (Limoges)

Redressement judiciaire. 8 salariés.

 

Web :

Arrêt de Yagg.com

 

Focus : Information en continu.

NextRadioTV :

Progression significative en 5 ans de 323 à 496 journalistes (+173) sur les différentes antennes et chaînes du groupe : BFMTV, RMC Sport, RMC, BFM Business, BFM Paris.

 

France Info :

Radio :

160 journalistes (144 équivalents temps pleins et 16 renforts CDD). 23 d’entre eux sont répartis dans des activités numériques : éditeurs visuels, éditeurs numériques, réseaux sociaux.

Télévision :

175 personnes travaillent à France Info télévision, 50% étant issues de la mobilité interne. La rédaction comprend 70 journalistes, dont 28 sont des embauches.

Web :

10 profils spécifiques pour renforcer la rédaction web.

 

France Médias Monde :

Progression des effectifs de journalistes qui passent de 653 à 757.

France 24 :

3 chaines (français, anglais, arabe) emploient 343 journalises en télévision et sur le web, soit une progression de 64 entre 2012 et 2015.

RFI :

Les différents services d’information emploient 415 journalistes en 2015, soit une progression de 43 journalistes

LCI :

200 journalistes, sachant que sur le numérique LCI s’appuie sur le regroupement des équipes d Métronews et MYTF1 News et affiche l’objectif d’une rédaction authentiquement bimédia.

 

CNews / ex Itélé :

Au terme du conflit de plus d’un mois 94 départs sur 120, soit 26 restant, avec un filet de nouvelles embauches (15 à ce jour), pas toujours très jeunes (Elkabach, PPDA, Rachid Arhab) et sur des statuts ad hoc. A venir l’embauche d’une vingtaine de journalistes d’ici la rentrée. Effectif à terme, autour d’une soixantaine, soit ici un solde négatif de l’ordre de la moitié de l’ancienne rédaction.

 

Remerciements : Baromètre fait avec les contributions de La Correspondance de la Presse, de CFDT-journalistes, du SNJ, du SNJ-CGT et de la CCIJP.

[1] « Les journalistes français et leur environnement : 1990-2012. Le cas de la presse d’information générale et politique ». Editions Panthéon-Assas/IFP, 2014.

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