Jamais un citoyen français n’a eu autant de sources d’information qu’aujourd’hui. Par contre les médias traditionnels souffrent. La confiance en eux s’étiole alors que les réseaux sociaux porteurs du meilleur comme du pire, tirent leur épingle du jeu. A qui la faute : à ceux propriétaires des médias qui en détournent les fonctions, aux journalistes lire la suite

Jamais un citoyen français n’a eu autant de sources d’information qu’aujourd’hui. Par contre les médias traditionnels souffrent. La confiance en eux s’étiole alors que les réseaux sociaux porteurs du meilleur comme du pire, tirent leur épingle du jeu. A qui la faute : à ceux propriétaires des médias qui en détournent les fonctions, aux journalistes qui ne feraient plus leur travail ? Qui est responsable.

A ces questions le débat organisé dans le cadre des Tribunes de la Presse, en partenariat avec l’IJBA, a cherché à apporter des réponses, auxquelles a été attentif un public venu nombreux pour un samedi matin.

Nicolas Beau, journaliste, animateur du débat, a commencé par caractériser la situation : « un pouvoir des médias qui semble se réduire comme peau de chagrin » (comme en atteste ses flops face au Brexit, aux élections américaines… ou à la primaire de la droite en France) ; « la main basse d’intérêts financiers sur la presse » ; « la fin d’une époque bénie » ou « une simple dramatisation du présent » ? Il demande d’abord à Nicolas Brimo, journaliste au Canard Enchaîné et administrateur de son propre journal, son avis sur ce dernier point.

Celui-ci distingue nettement la presse écrite de l’audiovisuel. Il rappelle que « si, sous De Gaulle, on pouvait croire en un âge d’or de la presse écrite, l’audiovisuel était alors sous la coupe du pouvoir politique ». Des journaux comme le Canard bien sûr, mais aussi « Le Monde ou Libération à ses débuts étaient parfaitement indépendants des puissances économiques ». Pour lui, aujourd’hui, « le pouvoir politique fait rarement pression sur les médias » sauf faiblement « à travers les aides à la presse ».

« La pression est plutôt économique », relève Noël Mamère, député de la Gironde, ancien journaliste. Il faudrait qu’aucun groupe de presse ne dispose de plus de 10 % du capital d’une entreprise en particulier audiovisuelle.

Yves Harté, directeur éditorial de Sud Ouest, attaqué à propos de la situation de monopole dans laquelle se trouverait son journal, s’en défend. « On peut se faire entendre aujourd’hui en dehors de la presse traditionnelle », assure-t-il. Ce qui lui semble le plus inquiétant c’est « la sorte d’ubérisation de la profession à laquelle on assiste ». « Les groupes se répètent les mêmes chose à travers les réseaux sociaux ; les groupes d’intérêts se manifestent par rapport à des passions communes ».

Interrogée sur le pouvoir des annonceurs et de la publicité, Valérie Toranian, ancienne directrice de Elle, actuelle directrice de La Revue des Deux Mondes, insiste sur le pouvoir du lecteur. L’attrait actuel de La Revue des Deux Mondes, pourtant vendue 15 €, plaide en faveur d’un travail en profondeur et de qualité des journalistes : « si on apporte de la valeur ajoutée ». Un grand financier finance sa revue sans pour autant se mêler du contenu, selon elle. Elle dénonce une forme de « responsabilité du journaliste dans la situation actuelle ». « Le contexte évolue ». « Il faut en tenir compte ». « Facebook et Google sont les nouveaux patrons de presse ». « Ils reprennent désormais les articles sans renvoyer sur les sites de médias correspondants ». « Cette situation est plus importante que le poids des annonceurs ». Face aux annonceurs, la multiplicité des recours à eux était jusque là « la garantie d’une plus grande liberté ». Seulement aujourd’hui, les annonceurs font appel à des logiciels qui évaluent le rendement de leurs annonces en particulier en matière de rédactionnels associés. Les people font de même pour contrôler leur image. On les habille, on les maquille pour un passage sur papier glacé. « Il faut slalomer entre toutes ces contraintes ».

Interrogé sur la résistance que les journalistes ont opposé à toutes ces pressions, Ivan Levai, grande figure de la presse, reconnaît qu’aujourd’hui tout le monde a le pouvoir d’informer. « Nous sommes dans une phase de régression ». Chaque époque véhicule son idéologie. Le « bruit du tiroir caisse » est celle de la communication du moment.

« Un journal indépendant économiquement l’ai éditorialement », clame Yves Harté. « L’euphémisation du langage » qui gagne les médias est, pour lui, une des raisons majeures de leur déclin en appauvrissant les messages qu’ils véhiculent.

« On dit la même chose des politiques », enchérit Noël Mamère. « La presse vit dans l’entre-soi ». Et de faire référence à son dernier livre sur « Les mots verts ». « Twitter n’y est pas pour rien ». « Or, le monde n’est pas binaire mais complexe ». « En télévision, les chaînes de flux ont contaminé les grandes chaînes ». « Le débat public est miné ». On commence à donner des résultats sportifs grâce à des algorythmes ! « On n’a finalement que les journaux et le personnel politique que l’on mérite ».

Valérie Toranian reste cependant optimiste : elle pense que « nous vivons une mutation et la génération actuelle va réinventer » la presse. Ivan Levai partage en partie cet optimisme : « on est bien informé en France ». Pour Nicolas Brimo, « beaucoup d’informations paraissent trop tôt et l’opinion ne réagit pas ». La responsabilité du public et de l’opinion faisait un retour en force à cette fin de débat.

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