Vendredi 13 décembre, l’UPP (Union des photographes professionnels) Aquitaine-Charentes a organisé au Club une rencontre entre photographes et communicants sur la question des droits d’auteur. Pour revenir sur cet événement, nous avons interviewé Philippe Roy et Jorge Alvarez de l’UPP C’est un véritable fléau pour les photographes. Depuis quelques années, les services de communication imposent aux photographes des cessions globales de lire la suite

Crédit photo : David Helman

Vendredi 13 décembre, l’UPP (Union des photographes professionnels) Aquitaine-Charentes a organisé au Club une rencontre entre photographes et communicants sur la question des droits d’auteur. Pour revenir sur cet événement, nous avons interviewé Philippe Roy et Jorge Alvarez de l’UPP

C’est un véritable fléau pour les photographes. Depuis quelques années, les services de communication imposent aux photographes des cessions globales de droits pour pouvoir diffuser très largement les photos des reportages commandés, y compris en libre accès sur Internet. « Sans mesurer les conséquences pour la profession de cette dérive », souligne Philippe Roy, correspondant de l’UPP en Aquitaine-Charentes. Afin de faciliter et d’améliorer les relations entre communicants et photographes, une table-ronde a donc été organisée au Club. Plus d’une vingtaine de professionnels ont répondu à l’appel.

Pas d’équilibre dans les contrats entre photographes et communicants

Autour de la table : Brigitte Bloch, directrice du CRT (Comité régional du tourisme) Aquitaine, Marie-Claire Fauveau, communicante pour FH Conseil Aquitaine, Philippe Roy et Jorge Alvarez, photographe, membre de la commission juridique de l’UPP, qui, suit activement depuis plusieurs années, les discussions entre l’UPP et les ministères concernés ainsi que les négociations entre l’UPP et la Fédération des CRT (Comités régionaux du tourisme). « Depuis le numérique, c’est la forêt vierge. Aujourd’hui, on s’assoit régulièrement sur les contrats… et il n’y a pas d’équilibre juste dans les contrats entre photographes et communicants », déplore Jorge Alvarez. En cause, des cessions de droit disproportionnées demandées par les collectivités aux photographes, par rapport au budget. Selon lui, la « seule solution est de créer une base de données mondiale, où il est clairement expliqué ce que l’on peut faire avec chaque photo ». C’est un projet qui est loin d’être une réalité encore, faute de moyens. Il émane d’une organisation nord-américaine, « Plus coalition ».

Le rêve de créer une base de donnés mondiale

Ceci étant, il y a quelques « bons exemples » à l’image de Brigitte Bloch. « Sa photothèque est indexée et elle est sensible à la question des droits », rapporte Philippe Roy. Brigitte Bloch a expliqué être très vigilante au sujet de l’origine des photos. Car, comme l’a montré Philippe Roy, avec la numérisation des photos qui a multiplié les diffusions, les problèmes sont fréquents. L’exemple le plus récent est le festival de jazz de Montreux qui veut montrer qu’il a une garderie et choisit au hasard une photo d’un enfant sur Internet. Sauf qu’il s’agit du « petit Grégory »… Ou encore une boîte de com qui réalise une campagne pour promouvoir la Bretagne avec des photos de plages… d’Afrique du Sud… « Si nous refusons la cession totale de droits, c’est aussi pour protéger les communicants, nos clients », ajoute Philippe Roy. A ce titre, il a été évoqué la question des différentes utilisations des photos, pour des produits dérivés, des affiches… « A l’heure actuelle, c’est un peu l’anarchie en matière d’utilisation des photos, il faut retrouver des règles », a confirmé Marie-Claire Fauveau, communicante. « Ce sont des choses qu’il faut définir dès le début dans le contrat », suggère Philippe Roy.

Les relations avec les collectivités changent

Cette table-ronde s’est déroulée de manière très conviviale avec beaucoup de questions-réponses. Et, au final, chacun a conclu que la situation pouvait être grandement améliorée grâce au dialogue. Elle intervient à un moment, où la tendance commence à s’inverser. « Nous avons fait annuler plusieurs appels d’offres de collectivités, car il fallait nous défendre, mais nous cherchons avant tout l’apaisement et pouvoir travailler avec elles », explique Philippe Roy. « Les directeurs administratifs ne connaissent pas les droits d’auteur », justifie-t-il.  Au final, c’est la qualité de leurs photothèques qui s’en est ressentie, d’où un mouvement de balancier dans l’autre sens. Ce dialogue constructif commence à produire ses effets. « Récemment, le Comité département des Pyrénées-Atlantiques nous a demandé de lui dire ce qu’il devait faire pour les photos », se réjouit Philippe Roy.

Le conflit avec le Siba résolu

Les bonnes nouvelles sont rares dans le milieu, il faut donc les souligner. Après un long conflit, les photographes du bassin d’Arcachon ont fini par obtenir la fermeture de la photothèque du Siba (Syndicat interprofessionnel du bassin d’Arcachon), en dehors des besoins limités à l’usage des communes du SIBA. Depuis plusieurs années, journaux et même entreprises allaient se servir dans cette photothèque, ce qui « tuait » le marché pour les photographes locaux. La délégation des photographes du Bassin d’Arcachon a été reçu le 10 octobre par Michel Sammarcelli, président du Siba qui leur a annoncé cette fermeture.

Les nouveaux conflits : Wikipédia

Mais, parallèlement, de nouveaux problèmes surgissent, notamment avec les encyclopédies libres type Wikipédia. « Des concours sont organisés invitant les gens à photographier leurs villes, mais de plus en plus les auteurs doivent accepter une utilisation commerciale par des tiers. Donc n’importe quelle société peut vendre ces images sans payer », s’indigne Jorge Alvarez. « On s’est retrouvés confrontés à un mur. C’est un lobby très puissant » s’inquiète-t-il. Autre phénomène, avec la crise économique, les musées font commerce des droits de reproduction des images, sans autorisation. « Le budget de la culture a baissé donc ils cherchent de l’argent », explique Jorge Alvarez. Problème, les procès en justice sont devenus rares. « Car, l’ancien président, Nicolas Sarkozy, a limité ce type de litiges sur la propriété intellectuelle à neuf juridictions. Conséquence, on ne peut plus s’adresser aux tribunaux d’instance et on doit payer un avocat », fustige-t-il.

TVA à 10% sur les droits d’auteurs

Autre sujet d’inquiétude évoqué et d’actualité, la TVA à 10% sur les droits d’auteurs. Cette mesure va entraîner une perte de revenus pour les confrères qui travaillent avec des collectivités ou des d’associations qui ne récupère pas la TVA ainsi que pour ceux qui vendent des tirages d’auteurs à des particuliers sans passer par le circuit des galeries. L’UPP a demandé sans succès que, « les cessions de droits d’auteur et les ventes d’œuvres d’art bénéficient d’une TVA à taux réduit (5%), mesure indispensable à la vitalité du champ de la création artistique et à la survie de la profession de photographe ». L’amendement au projet de loi de finances 2014 proposé le 21 novembre 2013 par Mme Bouchoux au nom de la commission culture du Sénat a été rejeté en séance du 23 novembre 2013. Plus généralement, le problème de fond est « la dévalorisation de l’image. Les gens ne se rendent plus compte à quel point il est difficile de faire de bonnes photos. Derrière, c’est la liberté d’expression des journalistes qui est remise en cause », estime Jorge Alvarez. « Il devient urgent de ne plus céder au diktat de l’immédiateté et prendre le temps de bien faire les choses. La société ne peut pas fonctionner ainsi », analyse ce photographe expérimenté.

Une coopérative d’entraide, la solution pour les jeunes photographes ?

Enfin, à noter, que l’après-midi a été consacré à l’installation des jeunes photographes, aux  possibilités qui existent pour se faire accompagner  et conseiller durant les premières années de son activité par une coopérative d’entraide qui suit la  gestion administrative et comptable de ses adhérents. Mélanie Mahoudo, accompagnatrice à la création d’entreprise, a expliqué comment se faire accompagner et conseiller durant les premières années de son activité par la coopérative d’entraide Coopalpha qui suit la gestion administrative et comptable de ses adhérents. Les avantages sont multiples : la personne est accompagnée dans sa comptabilité, elle cotise pour le chômage par le biais de la coopérative… Sans que les charges soient trop importantes. Par exemple, sur une facture à 2 500 euros, si l’on enlève 500 euros de frais de réalisation, il reste 1 000 nets pour le photographe. « C’est bien pour les jeunes et les chômeurs. Si tu te plantes au bout d’un an, tu as le droit au chômage et tu bénéficies de la convivialité de la coopérative », analyse Philippe Roy. Les photographes ont beaucoup souffert de l’arrivée du numérique ces dernières années, mais leur passion est intacte et ils continuent d’innover et de se battre pour que dans notre société de l’image, on retrouve le goût de la qualité.

Nicolas César

 

 

NDLA : Avec Philippe ROY

Image UPP utilisée dans la cadre de la campagne « Consentement à l’image »

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