C’est une évidence, le numérique bouleverse profondément les médias. Quelles sont les prochaines mutations à venir ? Eléments de réponse avec Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions, qui était présent vendredi au colloque d’Aqui sur le numérique. Qu’est-ce qui a changé avec l’arrivée du numérique dans les médias ? Eric Scherer : Le numérique c’est lire la suite

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C’est une évidence, le numérique bouleverse profondément les médias. Quelles sont les prochaines mutations à venir ? Eléments de réponse avec Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions, qui était présent vendredi au colloque d’Aqui sur le numérique.

Qu’est-ce qui a changé avec l’arrivée du numérique dans les médias ?

Eric Scherer : Le numérique c’est plus facile, moins cher et plus rapide. Sous son impulsion, nous sommes en train de changer d’époque, de médias et de journalisme. Aujourd’hui, on peut produire, parfois mieux qu’avant pour moins cher : c’est que j’appelle la phase de « low cost industriel ». La numérisation d’un nombre de plus en plus grand d’activités humaines, a tellement abaissé les coûts qu’ils sont parfois réduits à néant. Les qualités de cette époque, ce sont la souplesse, l’ubiquité, l’immédiateté, mais aussi la proximité, l’individualisation, la personnalisation de l’information. Mais surtout, ce qui change, c’est l’abondance de l’information. Avant c’était plutôt la rareté de l’information qui prédominait. Par ailleurs, le lien social est en train de « driver » le reste des médias. Ce n’est plus possible de faire du « top down » (ndlr: de l’info à sens unique du haut vers le bas ) dans notre métier.

Les moyens techniques à la disposition des journalistes ont aussi considérablement évolué, quels sont les nouveaux outils de travail du journaliste ?

Eric Scherer : Aujourd’hui, le smartphone est au coeur du système. C’est une caméra haute définition , mais aussi une station de télé qui permet de diffuser très vite sur Internet. Il permet d’aller sur Twitter, un réseau social, qui est aussi devenu une agence de presse, personnalisée, et mondiale. Sur des sites comme Youstream, Lifestream, on peut diffuser en direct par un téléphone portable. Les outils de captation de la réalité, sont beaucoup plus légers qu’avant et se développent. De plus en plus d’équipes travaillent avec des appareils photos qui font vidéo plutôt qu’avec des caméras, voire des « Google glass ». Ces lunettes sont en cours d’expérimentation. Des drones aussi peuvent être utilisés quand la situation sur le terrain est difficile. Avec ces outils de création, de production, et partage, les gens peuvent publier, diffuser, remixer sans contrainte de temps et de lieu. En France, chaque foyer compte en moyenne entre 6 et 11 écrans. Si les années 2000 ont été la décennie du « tous médias », les années 2010 seront, après cette démocratisation de l’écriture et la possibilité d’interagir et remixer, celles d’un système où on sera « tous des télés ». La démocratisation de la vidéo est le phénomène le plus important du moment. Elle va devenir, un outil utilitaire dans tous les secteurs, notamment dans l’éducation, à l’université… Quand on voit que Youtube est 1er réseau social, 1er site de musique pour les jeunes et 2ème moteur de recherche, on mesure bien l’importance de la vidéo.

Quelles types de vidéo vont se développer dans les médias ?

Eric Scherer : Des pure players viennent débaucher des professionnels de l’image. Internet et ses nouvelles plate-formes sont en train de déstabiliser la télévision. Les sites des grands journaux américains couvrent en direct ce qui se passe dans leur périmètre. Les magazines, mode ou sport, intègrent l’image animée. Demain, nous aurons des vidéos avec des formats courts, de 15 secondes. Cela va d’autant plus se développer avec la généralisation de la 4G, du haut débit. A France Télévisions, un journaliste ne doit pas attendre le 20 heures pour envoyer une information, il doit la transmettre au plus vite en SMS, avec une courte vidéo pour le Web. Ce n’est pas dans la culture maison, mais cela va se faire. Selon le journaliste Tim Pool, les journalistes doivent être plus aguerris à la technologie que le reste de la population. C’est un des enjeux d’avenir : protéger ses sources, son disque dur… par des logiciels, des puces cachés dans des pièces de monnaie.

A quoi va ressembler le journaliste demain ?

Eric Scherer : Ce sera « un journaliste SMS », Smart, Mobile et Social. Plus smart, ça veut dire vérifier l’information, lui donner un label, qu’on n’a pas dans le bruit d’Internet, mais aussi donner davantage de contexte et de mise en perspective rapide d’un événement. « Plus mobile », c’est être plus agile, plus réactif, et ouvert aux nouvelles technologies. « Plus social » : si le journaliste n’est pas là pour provoquer, pour écouter, il sera en difficulté. Il est là pour organiser, animer le débat. Je ne crois pas que la presse soit en crise, l’appétit pour l’info n’a jamais été aussi grand. En tout cas, le journal papier est mort.  Le problème reste le modèle économique. Pour cela, il faudra offrir des services tiers.

Interview : Nicolas César

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