Festival Imprimé au Club

Partenaire de la rencontre du Rocher de Palmer à Cenon, le Club de la presse a reçu deux manifestations le 30 mars. Une conférence-débat sur "La découverte du journalisme de solutions" et l'autre, un atelier sur inscription, pour" Apprendre à créer un média", avec le magazine basque "Horizon(s)"

« Je travaille pour Disclose, un media sans abonnement, tout en accès libre, qui explore des sujets très variés, par exemple la santé ou les ventes d’armes. Mais il y a aussi du journalisme de solutions. » Pierre Leibovici animait la réunion organisée salle Pierre Cherruau au Club de la Presse, en liaison avec le Festival Imprimé. Il avait associé à sa présentation le collectif Antidote, pour évoquer une forme de journalisme qui se développe depuis quelques années. Ils ont été reçus avec un public fourni, par Pauline Even, notre coordinatrice, qui a présenté le Club  « comme un lieu de ressource pour la promotion de l’information sur toute la Nouvelle Aquitaine ».

Par un tour de table de mots-clé sur ce qui caractérise la notion d’actualité, Pierre Leibovici fait habilement apparaître « une tendance à une vision négative, en psycho on parle d’un biais de négativité de l’actualité« . A quoi quelqu’un dans la salle objecte : « Le but du journalisme n’est pas de révéler ce qui va, mais bien ce qui ne va pas« . Et une participante ajoute: « C’est aussi pour se distinguer de la communication… »

Regarder autre chose

« Mais savoir que quelque chose est cassé ne donne aucune piste pour le réparer! »
, répond l’animateur, qui place ici le « journalisme de solutions« , déjà pratiqué par des médias tout autour de la planète. De quoi s’agit-il ?« D’une démarche qui se concentre sur des réponses aux problèmes de société, en apportant les preuves que ces réponses fonctionnent et qu’elles peuvent être répliquées ailleurs. »
Il cite Le Monde, sur un article « A Bordeaux, un lieu de halte pour les coursiers »(une aide aux livreurs), ou bien Médiacités à Lille « Troquer au lieu d’acheter » (solution pour limiter les déchets du textile). Ou encore en télévision, France TV avec France 5 « Recettes pour un monde meilleur » (mieux manger pour changer le futur). Pierre Leibovici souligne « qu’il ne s’agit pas de faire des documents à charge, offensifs, le journalisme de solutions, ce n’est pas cela« . Il distingue quatre critères. D’abord se concentrer sur un problème bien précis, ensuite apporter des preuves de l’efficacité de la réponse, puis fournir un éclairage nouveau, et enfin pointer les insuffisances de certaines réponses. « Ce dernier point, dit-il, parce que ce n’est pas un journalisme sans nuances, il indique aussi des limites et des faiblesses. Mais il va se concentrer sur une solution précise. Alors je ne dirais pas qu’il s’agit de pousser les gens à creuser, mais clairement de les amener à regarder autre chose ».
Il prend un autre exemple, dans un article de Sud Ouest sur l’immobilier à Bordeaux: « Le bail réel solidaire : le journal va expliquer comment se développe ce dispositif, il interroge des familles, un bailleur social,  explique combien de logements ont été concernés, à quel prix, c’est un article de solutions ». Il y a également des médias qui font des campagnes à épisodes pour relever des sujets qui apportent des réponses (Sud Ouest avec « Les gens qui sèment » ou « Déclic« ).

Le monde des médias numériques n’est évidemment pas en reste dans cette nouvelle  démarche. Pierre Leibovici est venu au Club avec Delphine Tayac et Marine Mugnier, qui animent le collectif Antidote fondé en 2018. « Nous sommes journalistes depuis une dizaine d’années, et nous proposons des piges Accès Solutions à différents médias. En 2020 nous avons eu envie de monter un média fondé sur le journalisme de solutions, et ce fut « Biens urbains » en 2021, une newsletter sur la construction, qui pose un autre regard sur les villes. Car nous avions appris lors du confinement qu’il y avait un discours de gens qui souhaitaient quitter les villes . Nous avions un doute là-dessus car il n’est pas simple de partir de sa ville, son lieu de vie, de travail, donc on a mené des enquêtes ».

Eviter les fausses solutions

Mais est-il toujours possible de trouver des solutions, ou des voies différentes, voire originales? L’animateur reprend d’abord ici les règles traditionnelles du journalisme : « Le sujet, le problème est-il connu ? Si non, il faut raconter et expliquer. Si oui, des solutions potentielles sont-elles connues ? ». Ce type d’article doit « identifier une préoccupation connue et partagée, repérer les angles morts, chercher des réponses, explorer des sources. La question qui guide un article de solutions est : QUI FAIT MIEUX ? » Et de citer des réseaux internationaux « comme Solutions Story Trackers, qui compte près de 15.000 articles de solutions référencées, dont 150 en français, relayés par 6000 journalistes de 190 pays ».
Enfin, une question inévitable : comment éviter les fausses solutions ? Pierre Leibovici souligne « qu’il y a pas mal de précautions à prendre pour les éviter. Ne pas chercher de héros, qui n’apporteraient qu’une démarche, ne pas vanter une organisation toute entière, utiliser des chiffres seulement pour étayer une solution, ne pas en rester aux effets d’annonce, ne pas s’émerveiller, ne pas prendre parti… Bref, rester journaliste ! »


Pour avoir une idée précise de l’ensemble du Festival, voir le compte-rendu que Marine Slavitch en a fait pour Medianes :

https://www.medianes.org/festival-imprime-2023-on-refait-le-film/
***

Pour aller plus loin sur le journalisme de solutions :
– Guide du pigiste pour se lancer dans le journalisme de solutions : https://d2tit9jpqwf3z3.cloudfront.net/…/Solutions…
– Une bibliothèque d’articles de journalisme de solutions pour s’inspirer et mieux comprendre cette approche journalistique : https://www.solutionsjournalism.org/storytracker

Logo vins de Bordeaux