Bernard Miège est, ce que l’on peut appeler, une figure tutélaire des Sciences de l’Information et de la Communication. Pour son premier Atelier des Médias, le Centre Emile Durkheim de l’Université de Bordeaux, associé au MICA, à l’IJBA et à l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS, avait invité le chercheur grenoblois sur le lire la suite

BMiegeBernard Miège est, ce que l’on peut appeler, une figure tutélaire des Sciences de l’Information et de la Communication. Pour son premier Atelier des Médias, le Centre Emile Durkheim de l’Université de Bordeaux, associé au MICA, à l’IJBA et à l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS, avait invité le chercheur grenoblois sur le thème des « Logiques sociales de l’information – communication ».

 

Qu’est-ce qui a changé ces dix dernières années en matière de médias ? Pour Bernard Miège, l’espace public a évolué, les médiations se sont renforcées, la communication s’est généralisée, l’information s’est industrialisée, les pratiques sociales se sont individualisées et le domaine médiatique connaît à la fois la continuité et la rupture.

« L’espace public est désormais plus sociétal que politique. Il y a à la fois complémentarité et confrontation entre un espace commun et un espace de controverses. De nouvelles sociabilités se mettent en place mais ce n’est pas pour autant que les espaces communs disparaissent. Le politique est contesté mais le délibératif rencontre un intérêt marqué. Les modes d’engagement évoluent sous la pression de plus en plus systématique de la communication publique ».

« La médiatisation des médiations règne. Mais toute une composante de l’information – communication représente en fait des produits marchands et s’appuie sur une recherche automatisée d’informations. Le brouillage est flagrant. Tout ce qui était de l’ordre du relationnel tend à être médiatisé voire automatisé ». Pourtant, « l’intervention humaine est indispensable si l’on parle de médiation » (et Bernard Miège de donner l’exemple de journaux de la presse locale américaine entièrement automatisés).

« Les relations publiques (appelées « communication » en France) se généralisent. Elles constituent l’essentiel de ce qu’on peut trouver sur le web. Mais on ne sait pas la plupart du temps qui sont les émetteurs. Là encore, il y a brouillage et les règles de droit de la propriété intellectuelle changent ».

Comme la culture, l’information – communication s’industrialise. « La figure du client est désormais omniprésente » mais les « aspects marchands » ne sont, dans la plupart des cas, « pas mis en avant ». « C’est une domination sans partage des industries de réseaux (une industrialisation monopolistique). On peut se demander si les spécificités des industries culturelles vont perdurer (sur le modèle générique de l’édition et du flot) ? Elles risquent d’être déstructurées par les super-modèles de l’intermédiation ».

Tout ceci se passe à un moment où l’individualisation (en tous cas, « la forte différenciation ») se renforce. Cette individualisation est continue « depuis 30 ou 40 ans ». « Quelle signification donner à la médiation technique qui la caractérise et à ce qui la structure : différenciation sociale, générationnelle, productrice d’exclusion ? » « Les soi-disant pouvoirs des usagers consommateurs et leur coopération au fonctionnement, à la diffusion et au développement des outils, sont-ils effectifs et opérants ? » Rien n’est moins sûr. En tous cas, cela relève de l’idéologie du moment.

Alors dans cette nouvelle logique sociale, les médias sont-ils au bord de la rupture ? Les journalistes existeront-ils encore demain ? Bernard Miège parle de « discontinuités/continuités du domaine médiatique ». Pour lui, rien de bien nouveau. Certes, on constate « une remise en cause de la programmation des contenus, des cadres de réception » mais on peut identifier clairement les traits marquants de chaque média. En fait, il y a « adaptation réciproque » et il faut se méfier de la « théorie des self médias ». De même le chercheur trouve que l’emploi du terme « transmédia » est un abus ; pour lui, on peut seulement parler de « pluralité des médias » ou au mieux, d’ « intermédia ». Par contre, « l’alignement sur un média dominant semble terminée ».

Pour ce qui est de l’utilité des journalistes professionnels, face aux informateurs amateurs, Bernard Miège est catégorique : « nous connaîtrions une véritable régression sociale, culturelle et politique si les journalistes professionnels disparaissaient ». Pour lui, la croyance en une information partagée par tous est « un énorme quiproquo ».

Philippe Loquay 

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Mi%C3%A8ge

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