COVID-19 : expression du CESER sur l’annonce des mesures d’urgence du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, sur la situation et les perspectives  8 avril 2020 La crise sanitaire liée au COVID-19 précipite une crise sociale et économique d’une extrême gravité. Elle appelle déjà des premières décisions d’urgence qui devront nécessairement être suivies d’une réponse plus globale et lire la suite

COVID-19 : expression du CESER sur l’annonce des mesures d’urgence du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, sur la situation et les perspectives 

8 avril 2020

La crise sanitaire liée au COVID-19 précipite une crise sociale et économique d’une extrême gravité. Elle appelle déjà des premières décisions d’urgence qui devront nécessairement être suivies d’une réponse plus globale et profonde. 

« On ne résout pas un problème avec les modes de pensées qui l’ont engendré. » (Albert EINSTEIN)

Alors que le Conseil Régional de Nouvelle-Aquitaine s’apprête à délibérer sur des mesures immédiates visant à répondre aux premiers effets de la crise due au coronavirus Covid-19, et alors qu’il est dans l’attente de la délibération formalisant celles-ci, le CESER ne peut que souligner l’extrême gravité du moment que nous traversons.

La pandémie qui frappe depuis déjà plusieurs semaines une très large partie de l’Humanité n’épargne pas la population néo-aquitaine. Au-delà de sa dimension sanitaire, cette pandémie constitue une véritable déflagration internationale, dont les conséquences humaines, sociales et économiques restent à apprécier dans leur entièreté mais dont le CESER anticipe qu’elles seront à la fois profondes, considérables et longues. Dans ce contexte, l’Assemblée tient à saluer la réactivité des pouvoirs publics en région et des professionnels et bénévoles des secteurs de la santé, du social et du médico-social, la mobilisation et l’élan de solidarité exceptionnels de citoyen-ne-s, de salarié-e-s et d’organisations dans toute leur diversité en réponse à cette crise pandémique.

Si l’heure est à la gestion des urgences, le CESER considère qu’il ne saurait y avoir de sortie stable et durable de crise, sans un examen des causes et sans des réponses profondes, en différentes temporalités : à court terme, bien sûr, aider et soutenir par des mesures d’urgence pour amortir et limiter le choc dans ses multiples répercussions. A moyen terme, anticiper et planifier le processus de sortie progressive de crise puis, pour le long terme, initier d’ores et déjà l’indispensable débat qui devra aborder de front les questions de « l’après ». Ces dernières relèvent de stratégies de refondation d’un modèle de société qui doit être repensé autour des enjeux d’égalité, de solidarité, de démocratie, de liberté et d’écologie. Cela passe aussi par la définition collective d’un nouveau paradigme de développement régional.

I. Remarques, alertes et propositions concernant les mesures d’urgence

Dans un contexte d’urgence, et alors que la pandémie n’a pas encore atteint son paroxysme, le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine propose d’engager une série de premières  mesures destinées à amortir et répondre aux effets déjà manifestes de cette crise, consécutifs entre autres au confinement de la population et au ralentissement, si ce n’est à l’arrêt total, de certaines activités.

Le CESER souscrit au principe d’une mobilisation des collectivités régionales voire infrarégionales aux côtés de l’État afin de soutenir les secteurs et les populations les plus sévèrement touchés, non sans oublier l’indispensable effort de solidarité en direction des personnels des professions sanitaires et sociales, mobilisés dans l’assistance aux malades et aux populations les plus fragiles et exposées.

Le CESER appelle l’attention sur le fait que ces personnels, comme la plupart des salarié-e-s des secteurs professionnels qui contribuent aux besoins essentiels de la population, sont eux-mêmes déjà en situation de précarité voire de pauvreté, travaillent dans des conditions difficiles et sont insuffisamment reconnu-e-s.

Le CESER souhaite toutefois formuler un nombre de remarques, points de vigilance ou propositions complémentaires aux mesures présentées par l’exécutif régional :

Mesures d’ordre sanitaire

  1. Constatant le manque généralisé d’équipements de protection individuelle indispensables (notamment les masques, les gants, tout équipement de protection physique), le CESER demande au Conseil régional de se prononcer pour un arrêt total et immédiat de toutes les activités dans les secteurs « non essentiels » pendant la période de confinement, ceci afin de ne pas exposer les travailleurs dans les activités ne pouvant être télé travaillées ou dont les structures sont dans l’incapacité de démontrer la totale sécurité de leurs salarié-e-s. L’injonction contradictoire dans laquelle se retrouvent nombre de salarié-e-s et de responsables d’entreprises entre l’impossibilité à respecter à la fois confinement, gestes barrières et à poursuivre le travail est préjudiciable à la santé publique, à la santé des salarié-e-s, source d’angoisse généralisée et socialement injuste.
  2. Concernant les personnels soignants, compte-tenu des défaillances constatées, l’appui exceptionnel des collectivités territoriales, dont le Conseil régional, au renforcement de la protection et à l’amélioration des conditions de travail des personnels de soins ou d’urgence (médecins, chirurgiens, infirmiers hospitaliers et libéraux, aides-soignants, pompiers, ambulanciers, travailleurs du secteur sanitaire et social et du secteur social,…) constitue une urgente nécessité, au risque sinon d’une aggravation de la contamination de ces professionnels dont le rôle est particulièrement décisif dans la lutte contre cette pandémie. C’est pourquoi le CESER soutient sans réserve les mesures consistant à l’acquisition d’équipements de protection individuelle (masques, surblouses, charlottes, sur-chaussures, visières, lunettes,…), à l’appel à la mobilisation d’entreprises régionales pour contribuer à la fabrication de matériels de protection et d’équipements, ou encore à la mobilisation d’internats de lycées à proximité des établissements de soins et à la gratuité des transports publics (dont TER) pour les professionnels concernés. Le CESER invite et incite le Conseil régional à accentuer autant que de besoin son effort dans ce registre, en lien avec les autres collectivités de rang infrarégional (Conseils départementaux, Communautés urbaines, Intercommunalités…). Il est également nécessaire d’élargir les bénéficiaires à toutes les professions en contact direct avec du public ou assurant des tâches de nettoyage ou d’entretien. Le CESER attire en outre l’attention du Conseil régional sur la priorité qui doit être donnée à l’acquisition de masques de type « FFP2 » (norme de protection des travailleurs concernés) plutôt que de masques chirurgicaux n’assurant pas une totale protection réciproque.
  3. Un engagement fort des étudiant-e-s aides-soignant-e-s ou infirmier-e-s auprès des professionnels de soins au sein des unités Covid de la région est à souligner et nécessiterait une revalorisation de leur indemnité, en juste reconnaissance de l’implication de ces futurs professionnels dans la gestion de la crise.
  4. Le CESER insiste sur la nécessité, durant cette période, de garantir l’accès aux soins des populations atteintes de maladies chroniques et s’inquiète de l’interruption de soins ou d’assistance consécutives aux mesures de confinement. Il souligne dans ce contexte les risques induits d’aggravation de certaines pathologies, situations de dépendance et handicaps. Il appelle également l’attention sur la nécessaire anticipation des problèmes de santé mentale, générés ou aggravés par la crise, et sur les capacités de réponse des services de soins psychiatriques déjà fortement précarisés en termes de moyens humains et de financements. C’est pourquoi le CESER demande au Conseil régional d’interpeller l’Agence Régionale de Santé à ce propos.

Enfin, le CESER s’inquiète vivement de la situation épidémique et de sa prise en charge dans les EHPAD, établissements médico-sociaux, foyers ADOMA…, même si notre région ne paraît pas à cette heure la plus concernée. Il rappelle que tous les patients dont l’état de santé le nécessite doivent avoir accès à la prise en charge sanitaire appropriée à leur situation. Il demande que soit garantie la dignité des personnes jusqu’à la fin de vie, y compris par l’accompagnement palliatif médicamenteux et humain.

Mesures de soutien aux entreprises et aux associations

  1. Bien que louable et indispensable, la contribution de la Région Nouvelle-Aquitaine (70 M€) apparaît limitée face à l’ampleur présente et surtout à venir des besoins. Dans ce cadre, le CESER s’interroge de manière générale sur le mécanisme de priorisation et de gestion de la remontée des besoins, qui ne saurait fonctionner bien entendu sur un mode « premier à solliciter, premier servi ». Il convient de veiller à conditionner ces dispositifs au maintien de l’emploi et à l’information et à la consultation des instances représentatives du personnel (CSE, CCSCT ou CPRI pour les TPE)
  2. .
  3. Les activités ne seront pas impactées de manière équivalente. Le CESER souhaite que les aides d’urgence soient prioritairement mobilisées pour soutenir les secteurs les plus exposés et qui font vivre l’économie présentielle de proximité (tourisme et évènementiel, commerces indépendants notamment dans les centres bourgs ruraux et les quartiers prioritaires, services à la personne, artisans,…) ainsi que les activités éducatives, culturelles et sportives. Au sein des filières économiques, le CESER souhaite que les aides d’urgence soient prioritairement réservées aux sous-traitants de niveau 2 et 3. Les donneurs d’ordre doivent quant à eux être mobilisés pour une nécessaire et indispensable solidarité avec leurs fournisseurs et leurs sous-traitants.
  4. Le CESER, conscient des effets d’aubaine que ces aides peuvent générer, met en garde et appelle au plus grand civisme et à la responsabilité pour que celles-ci bénéficient bien aux acteurs les plus impactés. C’est pourquoi il invite la Région à mettre en place un dispositif de contrôle afin d’assurer une vigilance pour éviter ou limiter de tels effets d’aubaine.
  5. Même si l’exécutif régional a bien identifié la nécessité de réserver une part de l’aide aux petites entreprises, le CESER s’inquiète de la situation des TPE et des indépendants, des autoentrepreneurs et salarié-e-s de particuliers employeurs, qui sont généralement en dehors des « radars » et des circuits d’information de l’intervention publique. Outre les chambres consulaires et syndicats professionnels, il suggère de mobiliser les experts-comptables, les Conseils départementaux, les Intercommunalités ainsi que les municipalités pour diffuser l’information sur les dispositifs d’aide et accompagner l’ingénierie de réponse (appui au décryptage des procédures administratives et critères d’éligibilité, pour la concrétisation des démarches,…) pour tous les acteurs.
  6. Le CESER souhaite attirer l’attention des élus régionaux sur les limites du recours aux prêts bancaires avec différé de remboursement : utile à court terme, par exemple pour éviter des dépôts de bilan d’entreprises pour le motif de cessation des paiements, ce type de dispositif pourrait générer à moyen terme le risque de créer un surplus d’endettement avec des difficultés de remboursement à venir et pourra impacter les capacités futures d’investissement. Il faudra donc une vigilance particulière et un accompagnement structuré pour surmonter la difficulté qui s’annonce, d’amortissement d’une fin d’activité ou de préparation d’une relance durable.
  7. Le CESER Nouvelle-Aquitaine attire l’attention sur  l’impact économique des mesures de confinement et des gestes barrières sur toutes les filières de production agricoles, mais à des degrés divers. Lorsque la période de confinement coïncide avec la période de récolte, (par exemple pour l’asperge ou la fraise), l’intégralité du chiffre d’affaires peut être impactée (destruction totale de la récolte en terre).

Au confinement, se rajoutent parfois les difficultés d’application d’attitudes barrières (dans les serres par exemple). L’absence de protections peut aussi entraîner le faire valoir du « droit de retrait » par les salarié-e-s (dans les abattoirs ou petites PME de l’agroalimentaire). Ces attitudes, toutes légitimes soient-elles, cumulées au confinement, engendrent des problèmes de disponibilité de main-d’œuvre  permanente ou saisonnière qui viennent s’ajouter aux problèmes récurrents d’accueil et de logement des saisonniers. Il considère que cette option devrait impérativement reposer sur la base du volontariat et s’adosser à un strict respect de l’ensemble des droits, des garanties et de la protection des salarié-e-s (dont hébergement, transport, rémunération,…).

L’expérience du confinement a remis en lumière l’enjeu de l’agriculture de proximité et des circuits d’approvisionnement. En ce sens, la mise en place d’une plate-forme de distribution destinée à favoriser la commercialisation des productions régionales en complément des circuits courts déjà existants est sans doute bienvenue mais restera malheureusement une initiative marginale / ou limitée dans son impact et les volumes concernés si les acteurs de la grande distribution n’engagent pas eux-mêmes, dans la durée, une démarche de relocalisation de leurs approvisionnements à prix garantis…

Le CESER n’est par ailleurs pas favorable à la réquisition des refugiés comme cela est le cas  dans certaines régions. L’appel  à des réfugiés ne peut être envisagé que sur la base stricte du volontariat  et en assurant les mêmes conditions et droits garantis conventionnellement à toutes et tous les salarié-e-s relatifs à la santé, à la sécurité, aux équipements nécessaires, aux transports, à la restauration, à l’hébergement et à la rémunération.

  1. Concernant les aides destinées au secteur associatif (plus de 10 % de l’emploi salarié privé en Nouvelle-Aquitaine), le CESER suggère que les domaines d’activités éligibles (culture, sport, formation, solidarité,…) intègrent les associations d’éducation populaire inévitablement affectées par le recul d’activités lié au confinement (notamment pour la période proche des vacances de printemps), et plus largement tous les secteurs associatifs en difficulté (environnement, tourisme social, défense des droits,…) entrant dans le cadre des compétences de la Région. Le maintien des subventions pour des activités préparées mais qui ne peuvent se réaliser entièrement serait une forme d’aide pertinente pour l’ensemble du secteur associatif.
  2. Le secteur culturel est l’un des plus sévèrement affectés, notamment du fait de l’annulation de spectacles et manifestations. Le CESER soutient les premières mesures d’urgence (versement des acomptes d’aides accordées ou prévues, anticipation du versement du solde des subventions 2018/2019). Il appelle l’attention du Conseil régional sur les difficultés particulières des intermittents du spectacle et invite la collectivité régionale à examiner cette situation en lien avec les services de l’État (Ministère de la Culture, Pôle Emploi,…).
  3. Face à la probabilité d’un allongement de la période de confinement, le CESER propose au Conseil régional que le principe d’augmentation du niveau du premier acompte de l’aide versé aux bénéficiaires, prévu pour les TPE, soit étendu aux structures associatives employeuses.

En outre, il convient que les délais d’instruction permettent d’assurer la dimension d’urgence en dépit du nombre probablement conséquent des dossiers à gérer par la collectivité. L’enjeu est a minima que les bénéficiaires puissent être rapidement informés pour obtenir une avance de la banque ou un découvert autorisé…

  1. Les modalités de calcul des accompagnements financiers actuels et à venir de la Région pour l’ensemble des structures, en particulier associatives,  devront être revues. En effet, ces calculs prenant en compte les comptes de résultat des structures, un mode de calcul pondérant l’année 2020 (par exemple en faire une année blanche) permettrait de ne pas être pénalisant.

Mesures de soutien aux populations fragiles

  1. Le CESER attire l’attention du Conseil régional sur la fragilisation et les difficultés de certaines associations d’aide aux publics fragiles (par exemple les structures d’insertion par l’activité économique et les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification) qu’il convient de soutenir par des mesures d’urgence.
  1. Face à la dégradation de la situation des ménages déjà défavorisés avant la crise et qui se retrouvent avec une forte réduction voire sans revenus du fait du confinement et du chômage partiel, le CESER invite les pouvoirs publics à s’inspirer d’initiatives menées dans d’autres pays, par exemple en réunissant les bailleurs et les fournisseurs concernés pour décider de moratoires sur les paiements de loyers et factures (électricité, gaz, eau, téléphonie et accès Internet).
  2. Le CESER exprime sa plus vive inquiétude concernant la situation particulièrement précaire, aux plans matériel, économique, social voire sanitaire, d’étudiant-e-s isolé-e-s resté-e-s confiné-e-s dans les cités universitaires, pour certain-e-s déjà en situation fragile avant cette crise. Il appelle le Conseil régional à une attention toute particulière en direction de cette population, en lien avec les autorités universitaires, par exemple en organisant la mise à disposition de paniers-repas par les restaurants universitaires.
  3. Le CESER alerte solennellement les autorités publiques sur la situation et sur la vulnérabilité particulières des populations sans domicile (dont migrants), particulièrement exposées aux risques sanitaires. Il demande aux pouvoirs publics de prendre toutes les dispositions permettant une mise à l’abri et une protection efficiente de ces populations et d’assurer leur accès aux droits les plus essentiels (hébergement, nourriture, hygiène et santé, transports). A l’exemple de ce qui a été décidé au Portugal dans le contexte d’état d’urgence, pour des raisons sanitaires et d’accès au droit commun, il souhaite la régularisation des sans-papiers.
  4. Le CESER propose que la gratuité des transports mise en place pour les personnels soignants soit étendue aux aides à domicile, qui effectuent une mission essentielle et indispensable auprès des personnes âgées, isolées, et des personnes en situation de handicap, ainsi qu’à l’ensemble des travailleurs contraints de rejoindre leur lieu de travail.

Dispositifs de gestion de crise

  1. A l’instar de ce qui se passe dans d’autres régions, au sein de la cellule de crise mise en place  entre les décideurs publics (Préfecture, et Services déconcentrés de l’État, Région et collectivités infrarégionales), le CESER demande que soient associés en Nouvelle-Aquitaine, outre la CRESS et les chambres consulaires, les représentants des organisations syndicales de salariés et d’employeurs ainsi que les acteurs associatifs de la solidarité, chacun dans son registre de compétences et son niveau de légitimité, ceci afin d’assurer un fonctionnement démocratique, transversal et une mise en cohérence de l’ensemble des actions et dispositifs.

Alors que les acteurs manquent encore de visibilité sur les critères effectifs des différentes mesures annoncées par l’État comme par les collectivités, ce lieu de coordination et d’échanges apparaît indispensable et facteur de pertinence, d’efficience et de confiance.

  1. Plus que jamais, le besoin s’exprime d’une plus grande cohérence et d’une parfaite coordination entre les différents niveaux d’intervention publique, mais également d’une meilleure prise en compte de la complémentarité qu’apportent les instances consultatives et de dialogue social impliquant les représentants de la société civile organisée (CESER, Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) et conférences territoriales de santé, Comité consultatif régional de le recherche et du développement technologique (CRRDDT), etc.).
  2. A l’exemple de ce qui a été fait d’abord en Auvergne-Rhône-Alpes puis dans d’autres régions, le CESER propose que soit mis en place rapidement un observatoire régional sur la crise COVID-19 et ses impacts. Forte de la diversité et de la richesse de sa composition, notre Assemblée indique sa disponibilité pour prendre part à cette mise en place et pour consacrer de futurs travaux aux différentes dimensions (sanitaires, écologiques, économiques, sociales, éducatives, de gouvernance, etc.) en jeu. Cette démarche de mise en place d’un observatoire régional pourra en premier lieu se donner pour rôle de recueillir le maximum des remontées de terrain et des données d’ensemble et sectorielles permettant l’analyse des difficultés et la recherche de capacités de rebond.

Elle pourra en outre mobiliser les acteurs universitaires dans le cadre d’une recherche publique interdisciplinaire (sciences économiques et de gestion, sciences humaines et sociales, sciences de la nature et de l’environnement, sciences de l’éducation, etc.) visant à étudier les effets immédiats ou incidences de cette crise dans la durée, afin de nourrir de façon opérationnelle la décision publique et celle des acteurs socio-professionnels eux-mêmes.

  1. Le CESER souhaite que les dispositifs de coopération de la Région soient mobilisés pour intégrer l’entraide et la coopération dans la gestion de crise, au niveau européen et au sein de la francophonie, notamment avec les pays du continent africain avec qui elle entretient des relations privilégiées et qui sont fortement impactés par le coronavirus.
  2. Le CESER appelle de ses vœux que le calendrier et les modalités même d’élaboration du futur contrat de plan État-Région (CPER 2021-2027) soient totalement revus et que la définition des projets qui seront ainsi co-financés traduise la meilleure prise en compte de la situation inédite que subissent actuellement les habitant-e-s de nos territoires et des besoins prioritaires qui se font jour ou se révèlent avec plus d’acuité.
  3. Enfin, le CESER s’interroge sur la façon dont les premières mesures d’urgence puis les mesures d’accompagnement futures affecteront le budget de la collectivité régionale (impact sur les recettes, redéploiements de crédits et/ou abondement des lignes budgétaires existantes au regard des besoins et des nouvelles priorités, etc.). Le CESER s’interroge en outre sur les modalités de mobilisation du monde bancaire et assuranciel, dont l’implication massive et concrète lui semble indispensable dans ce contexte. Le CESER suggère que les financements européens puissent être mobilisés pour répondre à l’urgence dans le cadre de l’initiative de la Commission européenne visant à orienter les fonds encore disponibles des programmes européens 2014-2020.
  4. Le CESER ne peut qu’exprimer à l’adresse de l’État en région sa préoccupation sur la durée et sur les modalités d’application et de sortie effective du régime d’urgence sanitaire (dont les dérogations au droit du travail et des conventions collectives), qui place notre pays dans un cadre d’exception restreignant voire suspendant les libertés et droits garantis par la Constitution.

II. Anticipation du processus de sortie progressive de crise et des stratégies de réorientations structurelles

La perspective et les modalités de sortie du confinement sanitaire et plus largement l’évolution, l’issue et les répercussions de la crise actuelle restent difficiles à entrevoir. Néanmoins, le CESER Nouvelle-Aquitaine appelle sans attendre à un nécessaire travail d’anticipation du processus de sortie de crise et des réponses plus structurelles à apporter. Il souligne à cet égard l’impériosité de mutations aux plans économique, social, écologique et démocratique.

Si l’Humanité se trouve aujourd’hui mobilisée d’une manière inédite pour trouver des solutions radicales, notamment d’ordre économique, à la pandémie, il est à espérer qu’elle tire les enseignements de cette mobilisation possible pour relever les défis environnementaux (climat, biodiversité,…). La dégradation des écosystèmes apparaît comme l’un des facteurs-clés de fragilité face aux pandémies et fait peser à courte échéance des menaces irréversibles sur l’Humanité.

« La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant ».                     (Bruno LATOUR, philosophe)

Anticiper et planifier le processus de sortie de crise

L’ampleur et la combinaison des répercussions sociales et économiques, imposeront d’adapter des dispositifs d’accompagnement au-delà même de la période de confinement. Le CESER insiste sur la nécessité d’anticiper un plan d’accompagnement de moyen terme, prenant en compte les besoins des acteurs économiques dans leur diversité, des personnels de soins et des populations les plus fragilisées et/ou affectées.

La mise en place d’un observatoire régional précédemment appelée de nos vœux s’inscrit précisément dans cette triple temporalité. D’abord, la nécessité d’une appréciation fine des impacts immédiats et émergeants de la crise. Ensuite, celle d’une anticipation des mesures de soutien qui resteront nécessaires à moyen terme. Enfin, la nécessité d’identifier les possibles points d’appui des réorientations de politiques dans une perspective de long terme.

Pour soutenir ces perspectives, le CESER suggère de réfléchir aux nouvelles stratégies budgétaires et financières qui puissent permettre de soutenir durablement ces efforts de réorientations structurelles. Notamment, il demande d’étudier le recours à l’endettement pour financer les investissements structurels. Plus que jamais, la sortie de crise nécessite de rouvrir « le champ des possibles ».

Réorienter de façon globale la stratégie régionale pour engager les mutations

L’ampleur de cette déflagration internationale interroge la société dans son ensemble sur les choix ayant présidé ces dernières décennies à la généralisation d’un modèle de développement mondialisé qui a priorisé les logiques de financiarisation, de concurrence et de dérégulation sur le bien-être de l’Humanité et la préservation de la planète et qui révèle toutes ses limites dans un contexte dramatique. Elle interroge brutalement les conceptions, les paradigmes et priorités tels qu’ils prévalaient encore jusqu’au déclenchement de cette pandémie dans notre pays, à l’échelle européenne et internationale. Elle exacerbe et met en plein jour les inégalités sociales et professionnelles, rappelant l’intérêt majeur d’activités et de professions depuis trop longtemps insuffisamment reconnues et peu valorisées. Elle met aussi en évidence les défaillances des politiques de santé publique et la fragilité de notre système de soins profondément affaibli par des politiques budgétaires et structurelles successives, malgré la mobilisation exceptionnelle et remarquable des personnels soignants et acteurs de santé, et leurs multiples mises en garde. Elle souligne les faiblesses d’un tissu industriel, qui, après plusieurs décennies de délocalisations et de fermetures de sites, se retrouve dans l’incapacité de répondre à des besoins stratégiques et fondamentaux, générant des phénomènes de dépendance exacerbés en période de pénurie et de crise. Pour une large part, ces défaillances et ces faiblesses ne sont pas nouvelles et ont fait l’objet de nombreux signaux d’alertes sociales, syndicales et politiques, interrogeant dès lors jusqu’au fonctionnement-même de notre démocratie.

Dans ce contexte, le CESER demande au Conseil Régional d’engager une dynamique d’anticipation, dans le même esprit que celle portée avec « Néo Terra », pour élaborer, dans une démarche démocratique, des stratégies de retournement si ce n’est de rupture tirant tous les enseignements du choc actuel. Il serait illusoire de croire, voire irresponsable de laisser croire, qu’une relance durable pour toutes les activités sera possible. Car au-delà de l’intensité de son impact et des probables difficultés à venir, cette crise nous fait obligation d’ouvrir de nouvelles perspectives.

Il faut penser, anticiper et organiser la réorientation structurelle des politiques régionales, vers une économie de proximité centrée sur la réponse aux besoins sociaux, vers une réindustrialisation et une maîtrise publique des secteurs économiques essentiels, vers un aménagement du territoire qui respecte la santé et la diversité du vivant, dans une société qui valorise et permette à chacun de trouver sa place et son avenir, à l’abri de la précarité et dans un environnement préservé.

Pour le CESER, cela passe par l’ambition d’une société humaine plus juste, plus égalitaire, plus solidaire et démocratique, qu’il a déjà esquissée sous l’expression « Néo Societas ».

Parce qu’elles sont les deux piliers complémentaires d’une même ambition, « Néo Terra » et « Néo Societas » peuvent servir de véhicule méthodologique et de levier stratégique aux nécessaires mutations.

« Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible. »

                                                                                                      (Antoine de SAINT-EXUPÉRY)

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