La question se pose alors même que nous célébrons demain la journée mondiale des zones humides : le Lézard vivipare (Zootoca vivipara louislantzi) serait-il menacé d’extinction dans le triangle landais ? C’est ce qu’affirment les scientifiques au regard des études combinées du programme « Les sentinelles du climat » et de plusieurs laboratoires de recherche. lire la suite

Les Sentinelles du Climat
La question se pose alors même que nous célébrons demain la journée mondiale des zones humides : le Lézard vivipare (Zootoca vivipara louislantzi) serait-il menacé d’extinction dans le triangle landais ? C’est ce qu’affirment les scientifiques au regard des études combinées du programme « Les sentinelles du climat » et de plusieurs laboratoires de recherche. La génétique, les observations des populations sur le terrain, la morphologie, la physiologie (l’étude du fonctionnement de l’organisme) convergent vers une grande fragilité de l’espèce vis-à-vis du réchauffement climatique et un risque imminent d’extinction locale. Pour autant, des mesures de conservation sont possibles et donc urgentes.
Changement climatique et zones humides : vers une extinction du Lézard vivipare dans le massif des landes ?
©M. Berroneau – www.matthieu-berroneau.fr
Intimement dépendant des milieux humides et frais, le Lézard vivipare atteint sa limite de répartition la plus méridionale en Nouvelle-Aquitaine et dans les Pyrénées. Il retrouve en altitude les conditions de fraîcheur nécessaires à sa survie et sa reproduction. Il demeure néanmoins présent en plaine dans les zones humides du massif landais : landes humides, tourbières ou lagunes, ces petites étendues d’eau douce formées il y a plus de 10 000 ans, présentes dans les Landes et le sud de la Gironde.

Génétique : un risque imminent d’extinction locale

Un collectif de chercheurs du CNRS s’est associé à l’équipe de Cistude Nature pour conduire une étude génétique. Via des prélèvements de salive, le génome de plusieurs populations a été étudié sur un gradient altitudinal partant des zones humides des plaines jusqu’aux prairies d’altitude et tourbières des Pyrénées. Pour Andréaz Dupoué du CNRS de Moulis à l’initiative de ces travaux, « Les résultats sont édifiants, non seulement les lézards vivipares sont bien moins abondants dans le massif landais mais ils ont un patrimoine génétique nettement différent des autres populations, un plus fort taux de consanguinité visiblement concomitant à une interruption du flux de gènes entre les populations. L’interprétation est simple : il y a un risque imminent d’extinction locale ».
Comment expliquer cet appauvrissement génétique ? Pour Maud Berroneau, spécialiste de ces populations de reptiles à Cistude Nature, la connaissance du terrain ne laisse pas de place au doute : « entre les plantations massives de Pin maritime ces derniers siècles ou, plus récemment, l’extension de la maïsiculture et l’urbanisation galopante, l’humain a réduit drastiquement ces milieux. Aujourd’hui les zones humides du massif landais sont déconnectées les unes des autres et les individus de Lézard vivipare, fatalement moins nombreux, ne peuvent plus se mélanger ».
Prélèvement salivaire par écouvillonnage pour analyse génétique.
©M. Berroneau – www.matthieu-berroneau.fr

Réchauffement climatique : le coup de grâce ?

Un appauvrissement de la diversité génétique induit une homogénéisation des individus et peut fragiliser la résilience des populations face aux perturbations. Les lézards vivipares du massif landais apparaissent notamment plus affectés par le réchauffement climatique en cours que leurs cousins des Pyrénées ou plus au nord vers le Limousin. Les observations réalisées dans le cadre du programme « Les sentinelles du climat » depuis 4 ans révèlent d’ailleurs que les lézards vivipares y sont bien moins actifs lors des années chaudes et sèches comme 2017, laissant penser qu’ils se mettent alors à l’abri. Maud Berroneau, en charge de ces suivis à Cistude Nature, témoigne : « cette année-là, les observations de lézards des murailles, le lézard très commun que l’on trouve partout en France, ont nettement dépassé la moyenne ».
Une autre étude comparative avec les populations de vivipares plus en altitude, sur la morphologie et la physiologie cette fois, alerte aussi les scientifiques. L’analyse menée démontre que l’eau est un facteur déterminant pour l’espèce : les lézards des populations exposées à des précipitations plus faibles et des températures plus élevées sont plus petits et plus maigres. Dans le triangle landais, les modifications de précipitations et de températures liées changement climatique peuvent donc fragiliser encore davantage ces populations déjà relictuelles.

Préservation : l’enjeu des mesures à prendre dépasse les lézards vivipares

La menace pesant sur ce reptile subsistant dans les zones humides, comme les landes humides ou les lagunes caractéristiques du triangle landais met en lumière la nécessité de mesures fortes de conservation. Et la combinaison d’approches comparatives à différents niveaux d’organisation (gènes, individus, population) révèle justement comment protéger le Lézard vivipare, et donc les autres espèces de ces milieux. En particulier, limiter le drainage et maintenir la proximité de bordures forestières (bourdaines, saules, trembles…) suffisamment denses sont des actions à tester.
De la préservation de ces milieux dépend la sauvegarde de tout un écosystème. Car le Lézard vivipare est ce qu’on appelle une espèce parapluie : protéger son habitat c’est aussi conserver bien d’autres espèces inféodées à ces milieux frais et humides telles que la rainette ibérique – une grenouille, les leucorrhines – des libellules, ou encore les droseras, les bruyères et la gentiane pneumonanthe pour la flore.
Pour aller plus loin :
Les sentinelles du climat
Porté par l’association Cistude Nature, ce programme scientifique évalue les effets du changement climatique sur la biodiversité de la Nouvelle-Aquitaine. Lancé en 2016 pour une durée de 6 ans, il s’appuie sur une vingtaine d’espèces ou groupes d’espèces peu mobiles et réparties dans des écosystèmes sensibles de la région. Incapables de «fuir», ces sentinelles du climat sont sensibles aux modifications de leur environnement. Elles devront s’adapter au changement climatique ou disparaître localement.
Pour mener ces recherches, Cistude Nature est entourée d’une quinzaine de structures partenaires, des associations, des conservatoires, des laboratoires de recherche, qui participent aux travaux d’acquisition des connaissances, d’analyse et de restitution. Le programme s’appuie également sur le développement d’outils de médiation pour diffuser l’information scientifique auprès du public.
Il est soutenu par l’Union Européenne dans le cadre du FEDER, la région Nouvelle-Aquitaine, le Département de la Gironde et le Département des Pyrénées-Atlantiques.
Communiqué complet en pièce jointe ici 20210201SentinellesDuClimatCPLezardVivipare
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