Woolf - machine a lire

Virginia Woolf a écrit son premier roman en 1915 à l'âge de 33 ans alors qu'elle s'était lancée dans le journalisme à l'âge de 9 ans, en famille. Après Albert Camus, Maria Santos Sainz s'est penchée sur un aspect peu connu de l'émancipation d'une femme de lettres par le journalisme.

Les tomes I et II des Œuvres romanesques de Virginia Woolf sont publiés à la Pléiade. Oui mais, pour débuter : « par quel livre, et dans une bonne traduction, conseillez-vous de commencer ? » demande un lecteur potentiel lors de la récente présentation de deux ouvrages de Virginia Woolf à la librairie La Machine à lire lors d’une soirée consacrée à la femme de lettres anglaise. Adèle Cassignol, la seconde invitée, auteure de « Woolf » lui répond : « Le journal d’un écrivain ». Auparavant, Maria Santos-Sainz, professeure des universités à l’ Institut de journalisme Bordeaux Montaigne (Ijba) a dévoilé un aspect moins prospecté d’Adeline Virginia Stephen qui prendra plus tard le nom de son mari, Leonard Woolf, journaliste. Pourquoi, après s’être intéressée à un autre pilier de la littérature, Albert Camus, avoir publié « Virginia Woolf, journaliste. L’histoire méconnue d’une émancipation par le journalisme » ?

 » C’est un hommage au journalisme » confie-t-elle spontanément. Lors d’un long retour en voiture après le décès de sa meilleure amie journaliste, un mot lui vient à l’esprit : « émancipation » Et qui mieux que Virginia Woolf pouvait l’incarner ? D’abord, elle publie un article dans The Conversation (lire ci-dessous), une mise en jambes avant de se lancer dans l’écriture de l’ouvrage sur une autodidacte qui, grâce au journalisme, a pu » acquérir son indépendance financière » et « se libérer de l’emprise d’une pensée victorienne » dans laquelle elle se sent à l’étroit. Prendre son envol aussi vis-à-vis d’un père journaliste très dans la tradition. Née en 1882, Virginia Woolf se lance dans l’écriture dès l’âge de 9 ans avec les autres enfants Stephen. Rédactrice en chef avant l’heure, décidée, du journal familial Hyde Park Gate News.

La liberté, pour rompre les amarres

A 22 ans, après la mort de son père, elle franchit une nouvelle étape en démarrant la rédaction d’un journal, rédige son premier article, un reportage sur les sœurs Brontë pour le quotidien The Guardian, varie les angles, passe dix ans à réviser des papiers. Plume pour The « Church women » elle décoche quelques flèches bien acérées sur les bigottes qu’elle côtoie. Virginia Woolf prend ses marques, cultive sa singularité, imprévisible, libre de ton, de style, dans une démarche de rupture, d’émancipation et d’indépendance.
Avec ses défauts et ses fragilités, féministe, pacifiste, activiste, engagée pour la démocratisation de la culture, Virginia Woolf entame son œuvre littéraire par le journalisme. Son premier roman, La Traversée des apparences sera publié en 1915 quand elle a 33 ans.
80 ans après la disparition de ce monstre sacré de la littérature, Maria Santos Sainz nous explique, par touches successives, comment le journalisme, « la petite porte d’entrée », est un genre à part entière dans l’œuvre de Virginia Woolf. Une découverte fort agréable.

Richard Hecht

Virginia Woolf, journaliste. L’histoire méconnue d’une émancipation par le journalisme Editions Apogée

L’article de Maria Santos Sainz dans The conversation

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