L’Observatoire de la Déontologie de l’Information (ODI), avec l’Association des Lecteurs Internautes et Mobinautes de Sud Ouest (ALIMSO) et le Club de la Presse, ont organisé à la Bibliothèque Mériadeck un débat sur ce thème jeudi 28 septembre. Avec en sous-titre : « Dégagés, les médias ? Les journalistes mis au pas ! Pourquoi ? A qui ont-ils des comptes lire la suite

L’Observatoire de la Déontologie de l’Information (ODI), avec l’Association des Lecteurs Internautes et Mobinautes de Sud Ouest (ALIMSO) et le Club de la Presse, ont organisé à la Bibliothèque Mériadeck un débat sur ce thème jeudi 28 septembre. Avec en sous-titre : « Dégagés, les médias ? Les journalistes mis au pas ! Pourquoi ? A qui ont-ils des comptes à rendre ? Comment réguler la presse dans une société démocratique ?« .

Le débat durera plus de deux heures, avec de nombreuses questions, notamment d’étudiants en journalisme présents. Il y aura en outre, avec l’appui technique de la bibliothèque, une projection sur Twitter, résumant le débat en direct, réalisée par des jeunes. Il revenait à Marie Christiane Courtioux, ex-rédactrice en chef de RMC et ancienne présidente du Club de l’animer. Dans son introduction, elle cite l’article de Fabien Pont, médiateur de la rédaction de Sud Ouest, qui demandait : « Les journalistes sont-ils mis au pas ? » et s’interroge : « La presse en fait-elle trop ? Pas assez ? Et si le problème n’est pas « que » le journalisme, celui-ci n’est-il pas la solution ? »

« L’expression Quatrième Pouvoir, répond tout d’abord Benoît Lasserre, grand reporter à Sud Ouest , me hérisse le poil : nous ne sommes pas du tout un pouvoir institutionnel, je n’y crois absolument pas. Je trouve plutôt bien qu’il y ait des relations conflictuelles, plutôt que de voir des journalistes rejoindre les équipes d’hommes politiques. »

Pour Patrick Eveno, président national de l’Observatoire de Déontologie de l’Information (ODI), « les médias mal traités, c’est aussi vieux, comme problème, que l’histoire de la presse elle-même. »

« Y a-t-il un désamour du public vis-à-vis des journalistes ? Non ! estime Marie-Laure Augry, médiatrice des télévisions publiques, il existe une méfiance, qui s’avère assez stable dans les sondages. Mais on constate aussi chez les citoyens lecteurs téléspectateurs un intérêt pour l’information, qui a décuplé. Ils comparent, commentent et la partagent plusieurs fois par jour. Et ils ont une très forte attente, surtout dans les périodes où les « fakes » et les thèses complotistes se multiplient ».

Elle note que les principaux reproches faits aux journalistes portent sur « les emballements médiatiques, l’information en continu, la hiérarchie de l’information, le « prêt à penser » et aussi, en période électorale, l’excès de l’exploitation de la petite phrase. »

Deux grands blocs

« Faut-il brûler les journalistes? Non ! Et je le prends au premier degré, intervient Richard Hecht, l’un des délégués nationaux du syndicat des journalistes CFDT, car malheureusement en France et dans le monde des confrères sont blessés ou tués dans l’exercice de leur métier. » Et de rappeler aussi que la corporation est un élément dans l’ensemble de l’entreprise médiatique ».

« Il existe une fracture entre deux grands blocs, estime pour sa part Me Jean-Yves Dupeux, président de la commission presse et médias de l’Union Internationale des Avocats, d’un côté celui de la liberté d’expression et de celle de la presse, droits qui sont inscrits dans la Constitution. Et de l’autre, le droit des gens à obtenir le respect de la vie privée, des données personnelles, de la présomption d’innocence, etc… »

Il estime que certains procès en diffamation à des journalistes pourraient être évités, à l’avance, par des précautions préalables: ceux liés à des erreurs de dates, de lieux ou de détails, ou bien ceux qui concernent des phrases à sens multiples, induisant en erreur. « Par contre, il y a des procès qu’il faut avoir, parce que l’événement l’impose. Le sang contaminé, par exemple, fut un procès utile. »

Fabien Pont insiste sur « le grand attachement des citoyens à l’information, et on le constate dans les courriers et les courriels, quand nous sommes contestés et comparés. »

Mais alors, demande Marie-Christiane Courtioux, la presse fait-elle encore l’opinion ? Pour Jean Petaux, politologue à Sciences Po Bordeaux et membre de l’ALIMSO, la nouveauté est dans les médias numériques, « avec les 140 caractères qui peuvent tourner en boucle. Et il y a une menace, celle des politiques qui disent vouloir créer leur propre média et lancer leur petite chaîne de télévision. » Il ajoute qu’ « il ne faut pas fermer ou censurer certains canaux, je suis contre une police de la pensée, mais le support impacte le média et la façon dont les informations sont traitées. »

Comment les médias traditionnels vivent-ils cette mutation ? « Les rédactions vivent très bien ensemble, explique Benoît Lasserre, on a une info, on la vérifie, et on ne la publie que si elle est vérifiée, sur Internet comme sur le papier, les fondamentaux ne changent pas. » Marie Laure Augry note « qu’il y a dix ans, le sociologue Jean-Louis Missika avait annoncé la fin des journaux télévisés, or aujourd’hui ce sont eux qui génèrent le plus d’audience. »

Le débat final de la rencontre portera notamment sur les moyens offerts aux lecteurs-téléspectateurs-citoyens pour disposer d’informations fiables, dans le foisonnement des réseaux et des supports. « En France, explique Patrick Eveno, il n’y a pas de conseil de presse alors qu’ils existent dans 21 pays d’Europe. Cela tient à la loi de 1881 très protectrice et au CSA qui s’arroge de plus en plus un droit de régulation de l’audio visuel. A l’ODI nous souhaitons la création d’un organisme de régulation tripartite pour que toute information soit sourcée, contradictoire, respectueuse des personnes. »

« Ces exigences sont une raison d’espérer pour les jeunes, conclut Marie-Christine Lipani, directrice adjointe de l’IJBA et membre de l’ODI Bordeaux. Je constate qu’ils sont toujours aussi nombreux à vouloir entrer dans les médias, et je suis impressionnée par les qualités d’exigence professionnelle qu’ils manifestent. »

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