Le deuxième débat du Printemps du Club « Le journalisme face à son public » était plus classique que le premier tourné vers le renouveau du photojournalisme. Il n’en a pas été moins riche pour autant, malgré l’absence de Laurent Guimier, directeur de France Info, qui a dû renoncer à la toute dernière minute, à faire le lire la suite

JournFacePublicLe deuxième débat du Printemps du Club « Le journalisme face à son public » était plus classique que le premier tourné vers le renouveau du photojournalisme. Il n’en a pas été moins riche pour autant, malgré l’absence de Laurent Guimier, directeur de France Info, qui a dû renoncer à la toute dernière minute, à faire le déplacement de Bordeaux, la situation à Radio France exigeant sa présence à Paris.

Alexandre Marsat, rédacteur en chef des publications de Cap Sciences et qui venait de présenter C-yourmag, a donc participé au débat orchestré par Pierre Sauvey, président du Club de la Presse de Bordeaux, aux côtés d’Hélène Decommer, rédactrice en chef du Plus de l’Obs et Thierry Magnol, médiateur à Sud Ouest.

Comme l’a signalé Pierre Sauvey en introduction, nous connaissons actuellement un bouleversement technique qui se traduit par un formidable flux d’informations qui ne proviennent pas forcément de journalistes. De ce fait, les journalistes semblent prendre de plus en plus en considération les attentes du public. Le Plus de l’Obs est significatif à cet égard puisque tous ses contenus émanent de propositions de lecteurs, même si ceux sont « accompagnés » maintenant par de vrais journalistes.

Comme l’a rappelé Hélène Decommer, le titre était entièrement participatif au départ. Aujourd’hui, neuf journalistes aident les intervenants à peaufiner leurs articles. L’essence du Plus est de « faire vivre le débat ».

« Le public veut prendre la parole », confirme Thierry Magnol. Il veut à la fois « pouvoir s’exprimer » et « demander des comptes ». Avec « de plus en plus d’agressivité dans le propos », d’ailleurs.

Pierre Sauvey a fait ressortir que cette année, pour la première fois depuis longtemps, la crédibilité des médias (mesurée annuellement par TNS-SOFRES) était en hausse.

Réalisée quatre jours après les attentats contre Charlie Hebdo, cette enquête n’est peut-être pas complètement significative d’une évolution. Cependant, tous s’accordent à penser que les sites d’actualité continuent au moins à profiter d’un regain d’intérêt.

Cela montre, en tous cas, pour Hélène Decommer qu’ « il faut expliquer ce que l’on fait, à quoi ça sert. Nous devons rendre des comptes à notre public. »

« L’attention à l’information est forte dans le public », selon Thierry Magnol.

Et Alexandre Marsat de remarquer que « les journalistes ont reçu beaucoup de sollicitations après ces événements ».

« Nous vivons une période de grande confusion », pour Thierry Magnol, « et il y a besoin d’explications ».

Le public n’est pas toujours sans contradiction. Dans les enquêtes il se plaint que l’on accorde trop de places aux faits divers et pas assez à la science par exemple, mais dans ses pratiques il consomme plus de faits divers que de science !

La crainte d’un journalisme automatique – des articles écrits par des algorithmes – n’effraie personne.

Ils ne servent qu’à « déceler les sujets qui montent » dit Hélène Decommer. C’est au mieux « un outil du back office pour conseiller d’utiliser plutôt tel mot que tel autre ». Mais rien ne nouveau sous le soleil : les mots-clés, les mots-signaux ne datent pas d’hier.

Mais ils sont aujourd’hui très importants pour être bien référencé (comme ce sera dit plus loin dans le débat).

« Les algorithmes ne savent pas aller chercher l’info, ni la vérifier et pas forcément bien la traiter », juge Thierry Magnol. « L’Université de Toulouse, dans un travail sur Twitter, conclut que 95% de l’info qui circule a pour origine première un média d’information » ajoute-t-il. Même si « pour l’histoire de Serge le lama, ce sont finalement les clics qui ont poussé à intégrer le sujet toutes éditions dans le journal ! ».

« Il ne suffit pas d’ouvrir un espace pour que les gens y déposent de l’info », constate Hélène Decommer. « Et puis, il y a responsabilité juridique de l’hébergeur… ».

Même si tout le monde s’accorde à dire comme Alexandre Marsat que « tout le monde peut produire du contenu », ce n’est pas pour autant du journalisme, « donner à comprendre au public » (Thierry Magnol).

Tout le monde va aujourd’hui plus sur internet, à commencer par les journalistes. Les usages ont changé, la façon de s’informer aussi. « Il faut que la presse internet monte en gamme », pour Hélène Decommer, car aujourd’hui internet est notre deuxième média d’information après la télévision.

Mais on ne sait pas, en tant que média, « monétiser cette audience », selon Thierry Magnol.

Il y a de plus en plus d’informations qui circulent et de moins en moins de journalistes pour en produire.

Alexandre Marsat insiste sur le problème économique induit mais pense qu’on peut le retourner à notre avantage : « aujourd’hui, on rentre dans internet par les réseaux sociaux. Le Figaro retitre ses informations pour toucher des cibles précises »

Il n’empêche, comme le remarque Hélène Decommer que « chaque internaute peut se créer sa propre hiérarchie et qu’on ne suit plus la hiérarchie imposée par un média unique ».

Sur la question du financement de ces journaux en ligne, personne n’a encore trouvé la formule miracle mais la gratuité a été « une erreur que l’on paie cher » selon Hélène Decommer. Là, la participation du public n’a pas été demandée ! Seul Mediapart s’en sort bien mais « il ne fait pas de l’info généraliste, mais de la pure investigation journalistique », relève Thierry Magnol. Les sites, pour l’instant, ne peuvent pas bénéficier des aides de l’Etat à la presse.

De plus, la lecture des médias d’information se fait de plus en plus sur smartphones ou tablettes et la publicité sur ces supports est encore plus faible que sur le net !

Sur la question des commentaires d’articles, ces banalités à la chaine qui soulignent généralement des interventions elles structurées, le débat a fait ressortir qu’ils n’étaient généralement pas modérés par des journalistes mais par des boîtes spécialisées. « Décevants, la plupart du temps », pour Hélène Decommer, « ils peuvent cependant dans de rares cas, constituer un fil à tirer ». D’autant que ces commentaires sont la plupart du temps le fait de lecteurs anonymes ou ayant modifié leur nom. Impossible de faire la transparence si l’on veut garantir le « principe d’horizontalité » cher aux nouveaux journalistes.

Fiabiliser l’information passe tout de même par la garantie des sources. Et répondre aux attentes du lecteur n’est pas suffisant, selon Pierre Sauvey qui a conclu sur la nécessité de continuer à faire un vrai travail de journaliste en proposant au public de l’inattendu.

Texte Philippe Loquay, Photo Jean-Michel Destang

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